La Cour de Cassation refuse de prendre en compte l'expertise unilatérale non judiciaire

Suite à un sinistre, pour estimer le coût et l’étendue de l’indemnisation, il est souvent fait appel à un expert qui a pour rôle de chiffrer le dommage mais aussi d’en déterminer la couverture ou non. L’expertise peut se faire à l’initiative de l’assureur, de l’assuré, par un accord des deux parties ou par une décision de justice.

expertise unilatérale non judiciaire

Si le rapport d'expertise amiable ne convient pas à l'une des parties, celle-ci est en droit de saisir le juge des Référés pour que soit nommé un expert judiciaire dont les conclusions auront force de preuve au tribunal.

Cependant qu'en est-il de la portée d'un rapport d'expertise diligenté unilatéralement par une société d'assurance ?

En l'espèce, une société déclare le vol d'un de ses véhicules et réclame à sa compagnie d'assurance, la mise en œuvre de sa garantie. Le véhicule est par la suite retrouvé incendié et la compagnie d'assurance mandate un expert pour effectuer un examen technique. Suite au rapport de ce dernier, elle refuse d'indemniser son assuré qui demande une expertise contradictoire.mais l'assureur refuse toujours son indemnisation.


La Cour d'appel retient que lors de la première expertise diligentée par la compagnie d'assurance et en l'absence de l'assuré, l'expert aurait trouvé un élément déterminant permettant l'exclusion de la garantie (en l'espèce la présence d'une clé d'antivol). Il n'est donc pas nécessaire de tenir compte de la seconde expertise contradictoire demandée par l'assuré.

L'expertise non judiciaire unilatérale ne doit pas constituer le seul élément de preuve de l'exclusion de garantie

Ce raisonnement est rejeté par la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt de cassation du 02 mars 2017 rendu au visa des articles 16 du code de procédure civile et 6§1 de la Convention des Droits de l'Homme et des libertés fondamentales.

Elle estime que la Cour d'appel s'est uniquement fondée sur « une expertise unilatérale non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties et qui n'est corroborée par aucun autre élément de preuve ».

Il s'agit ici d'une jurisprudence constante déjà mise en place par une décision de la Chambre mixte en 2012 (arrêt ch. Mixte 28/09/2012 n°11-18710). Les juges refusent de fonder une décision sur un élément  rapporté par un expert non judiciaire mandaté unilatéralement par l'une des parties.

La portée de l'expertise unilatérale est donc amoindrie lorsqu'elle apporte la seule preuve permettant l'exclusion de la garantie. Est mis en avant, le risque de subjectivité du rapport établi et des preuves apportées au profit de la partie diligente.