Accident : pas de faute inexcusable de la victime non conductrice sans discernement

L'article 3 de la loi du 05 juillet 1985 dite loi BADINTER prévoit l'exclusion de l'indemnisation de la victime non conductrice d'un accident de la circulation si celle-ci a commis une faute inexcusable cause exclusive de l'accident (FICEA). Reste à définir ce qu'est réellement une telle faute.

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Dans une série de décisions en 1987 (13 arrêts) confirmée en 1995 (Ass. plénière, 10 novembre 1995, n° 94-13.912), la Cour de Cassation a fini par définir la faute inexcusable. Il s'agit « d'une faute volontaire d'une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un dommage dont il aurait dû avoir conscience ». La FICEA est adoptée de façon très restreinte par la juridiction suprême.

En l'espèce, lors d'un trajet en taxi sur une autoroute à 90km/h, la passagère, dans un état manifeste de confusion mentale, ouvre brusquement la portière arrière du véhicule, bascule sur la chaussée et se blesse grièvement.


Elle actionne par la suite l'assureur automobile du taxi en indemnisation de son préjudice. Ce dernier refuse l'indemnisation et invoque une faute inexcusable de la victime lors de l'accident.

L'admission de la FICEA nécessite le discernement de la victime

La Cour d'appel rejette le raisonnement de la compagnie d'assurance en estimant qu'il ne peut pas être imputé à une personne en état de confusion mentale au moment de l'accident de la circulation, une faute inexcusable. Celle-ci nécessite un certain discernement et une conscience du danger.

La solution est confirmée par la deuxième Chambre civile de la Cour de Cassation dans une décision du 02 mars 2017 (16-11 986). Elle rappelle que la victime avait des antécédents de « bouffées délirantes » et qu'au moment des faits elle était « dans un état de confusion mental ou, à tout le moins, d'absence momentanée de discernement, ce dont elle a exactement déduit que celle-ci n'avait pas commis de faute inexcusable ».

L'admission de la faute inexcusable de la victime non conductrice lors de l'accident est donc subordonnée à son discernement. Il faut qu'elle soit consciente non seulement du danger encouru mais également du dommage et des conséquences qui en découleraient.

Il faut savoir qu'en ce qui concerne l'indemnisation de la victime non conductrice, les juridictions sont généralement pro victimes et admettent difficilement la faute inexcusable et l'exclusion d'indemnisation. Elle a déjà été rejetée dans des cas de victimes non conductrices sous l'influence de l'alcool. La Cour de Cassation retenait alors « l'absence de conscience du danger du fait du taux élevé d'alcoolémie ».