ANI (complémentaire santé obligatoire) : décryptage et dérives de la loi

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Le 1er janvier 2016, toutes les entreprises devront avoir mis en place une complémentaire santé collective pour leurs salariés. Selon l’Accord National Interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013, les employeurs ont l'obligation de la financer au minimum à 50%.

De nombreuses entreprises ne disposent pas encore de cette complémentaire. La raison ? Le flou qui règne autour de cette réforme. Tous les salariés seront-ils concernés ? Qu’est-ce que cela va changer sur les garanties ? Seront-ils gagnants ?

Christophe Triquet, expert assurances et Directeur Général du site LeComparateurAssurance.com, fait le point

La complémentaire santé obligatoire au 1er janvier, qui est concerné ?

Tous les salariés de l’entreprise sont concernés. Cela représente presque 5 millions de personnes et 10 millions en incluant les ayants-droits. Pour rappel, l’obligation ne porte que sur les salariés, c’est l’employeur qui décide s’il ouvre la mutuelle aux ayants-droits.

Si beaucoup d’entreprises disposent déjà d’une complémentaire santé répondant aux critères de l’ANI, plus de 600 000 sont encore à équiper, principalement des salariés de TPE. Ainsi, tout salarié dont l’employeur est dans l’un des cas suivants est concerné :

  • les entreprises ne proposant pas de mutuelle collective obligatoire,
  • les entreprises ne proposant qu'une mutuelle facultative,
  • les entreprises proposant une mutuelle obligatoire mais ne respectant pas le panier de soins minimum,
  • les entreprises ne respectant pas la prise en charge minimum de 50%.

Qui choisit la mutuelle destinée aux salariés ?

Le choix de la complémentaire santé se fait par l'employeur. Dans les entreprises disposant d'un syndicat, des négociations peuvent avoir lieu jusqu'au 31 décembre 2015. Si aucun accord n'est trouvé ou s'il n'y a pas de délégué syndical, c'est l'employeur qui choisit. Il peut, s'il le souhaite, interroger les salariés à titre indicatif, mais rien ne l'y oblige. La mise en place doit être faite dans tous les cas au plus tard le 1er janvier 2016. La plupart des sociétés concernées étant des TPE, les mises en place se feront dans une grande majorité par décision unilatérale de l’employeur.

Les entreprises ont l'embarras du choix en ce qui concerne leur futur assureur : les compagnies d'assurance, les mutuelles, les institutions de prévoyance, les courtiers et même les banques proposent des produits adaptés. « Le marché de la mutuelle collective va se transformer en un marché de masse » ajoute Christophe Triquet.

Les dérives possibles d’un tel dispositif

« La complémentaire santé obligatoire impacte significativement le budget des entreprises puisque la mise en place de celle-ci correspond en moyenne à une augmentation de 1 à 5% de la masse salariale, un élément non négligeable » explique Christophe Triquet.

Pour maîtriser ces coûts, tout en répondant aux besoins des salariés, l’entreprise peut jouer sur plusieurs variables :

  • le niveau de garantie choisi, panier de soins minimal ou supérieur ;
  • la participation de l’employeur, à partir de 50% ;
  • la prise en charge ou non des ayants-droits.

Christophe Triquet poursuit : « L’issue probable est que l'employeur va proposer le panier de soins minimum obligatoire et prendre en charge 50% de la cotisation, ce qui permettra à de nombreux salariés de refuser cette garantie grâce aux clauses de renonciation. L'employeur économisera donc sur 3 points : la qualité du produit, car il propose le minimum, la participation, car il proposera la prise en charge légale de 50%, et enfin le nombre de personnes concernées, car il laisse la possibilité de refuser, une façon détournée de ne pas s’engager sur le sujet ! »

Y a-t-il des laissés pour compte ?

Le passage à la complémentaire santé obligatoire ne concerne que les salariés. Les étudiants, les demandeurs d’emploi et les retraités ne sont pas concernés. En revanche, une personne quittant une entreprise, sauf démission ou faute grave, dispose de la portabilité. Cela signifie qu’il continue de bénéficier à titre gratuit de la mutuelle de l’entreprise pendant un an. Cet allongement du délai de portabilité (auparavant de 6 mois) devrait augmenter le budget santé des entreprises de 3 à 6%.

Les principaux cas de dispense pour le salarié :


  • il est ayant-droit d’une mutuelle obligatoire ;
  • il est en CDD inférieur à un an ;
  • il est bénéficiaire de la CMU ou ACS ;
  • il bénéficie d’un contrat à temps partiel et la cotisation est supérieure à 10% du salaire ;
  • il a déjà une mutuelle au moment de la mise en place. Mais dans ce cas, la dispense est valable jusqu'à la prochaine échéance ;
  • il était présent dans l’entreprise avant la mise en place de la complémentaire santé obligatoire, décidée par l’employeur sans concertation syndicale, et une participation lui est demandée.

» Consulter notre outil sur les cas de dispense de mutuelle entreprise

Quel recours possible pour un salarié insatisfait ?

Si un salarié ne s’estime pas assez couvert, il peut souscrire une sur-complémentaire à titre individuel, ou invoquer les cas de dispense pour refuser celle de l’entreprise. La demande de dispense doit se faire par écrit auprès de l’employeur.

En revanche, si un salarié s’estime trop couvert, il peut uniquement invoquer les cas de dispense. Il ne pas peut choisir de réduire sa garantie, et doit payer la participation imposée par l’employeur. Si la prise en charge de l’employeur est de 100%, il n’aura cependant rien à débourser.

A garanties égales, un contrat financé au minimum à 50% par l’employeur est toujours plus intéressant pour le salarié qu’un contrat financé à 100% à titre individuel.

La question est de savoir si le niveau de garantie est conforme au souhait du salarié et à l’effort financier qu’il est prêt à faire pour sa complémentaire santé :

  • le salarié paie moins qu’avant, mais voudrait payer « plus » pour plus de garanties ;
  • le salarié paie plus qu’avant, mais voudrait payer « moins » pour moins de garanties.

« Le salarié n’est plus maître de son budget santé, sans pour autant avoir la certitude d’être bien pris en charge, au meilleur coût. Dans certains cas, le salarié sera perdant. C’est le cas pour les salaires les moins élevés. Si le salarié n’avait pas de mutuelle, soit il la refuse et n’en bénéficiera toujours pas, soit il aura le minimum mais avec une participation imposée, c’est à dire une baisse de son pouvoir d’achat. Pour les personnes qui ont des besoins spécifiques (personnes âgées, familles...), cela peut être intéressant. En revanche, une personne en pleine santé qui avait fait le choix de ne pas avoir de mutuelle sera perdante » ajoute Christophe Triquet.