Conçues à l’origine pour prendre en charge tout ou partie du ticket modérateur, c’est-à-dire la part des dépenses de soins non remboursée par la Sécurité sociale, les complémentaires santé, que l’on nomme souvent par abus de langage les mutuelles santé (1), voient années après années, leur marge de liberté se restreindre au niveau des couvertures proposées et ce, malgré le caractère privé de leur organisation.

Complémentaire santé : s’intéresser aux services

Les assureurs peinent à se différencier sur les garanties

Entre les contrats dits « responsables » pouvant bénéficier d'avantages sociaux et fiscaux, le « 100 % santé » ou encore la Complémentaire santé solidaire, qui bénéficie aujourd'hui à plus de 7 millions de personnes à faibles revenus, les patients ont de plus en plus de mal à distinguer ce qui relève de la Sécurité sociale ou de leur assurance privée. Le système devient illisible, au point que certains s'interrogent sur la suppression des complémentaires santé pour créer un régime de remboursement unique, avec à la clé, espèrent-ils, de substantielles économies de frais de fonctionnement pour le plus grand nombre.


A première vue, l'idée peut séduire, en sachant que les complémentaires santé ne pèsent finalement pas lourd dans le financement total des dépenses de soins et de biens médicaux en France avec des prestations qui s'élèvent aux alentours de 27 milliards d'euros, soit environ seulement 13 % du total des dépenses (203,5 milliards d'euros en 2018). Néanmoins, cette prise en charge varie très largement selon les postes car si les assureurs santé sont en effet peu présents sur la prise en charge des soins hospitaliers (5 %), ils remboursent, en revanche, près de 75 % des dépenses d'optique et plus de 40 % des soins dentaires. Difficile, par conséquent, de les contourner si facilement.

Un rôle à conforter dans le parcours de soins et la prévention

Mais surtout, les complémentaires santé peuvent avoir une autre utilité vis-à-vis des patients : celle d'être présentes dans leurs parcours de soins et, au-delà, dans les domaines de la prévention, ce qui est essentiel non seulement pour le bien être de tout un chacun mais aussi pour le financement du système de soins dans son ensemble, selon l'adage « prévenir vaut mieux que guérir ».

A ce niveau, soulignons que les complémentaires santé ne veulent plus, depuis longtemps, se contenter d'être de simples « payeurs aveugles », chargés de rembourser le fameux ticket modérateur non pris en charge par le régime de base de la Sécurité sociale. Depuis plusieurs années, elles proposent de multiples services en faveur des assurés, eux-mêmes développés par des sociétés spécialisées, que l'on nomme communément les plateformes de santé. Ces dernières, gestionnaires de réseaux de soins, sont accessibles à plus de 50 millions de patients. Chaque organisme assureur choisit aujourd'hui sa plateforme, parmi celles existantes à ce jour, en France, comme Carte Blanche Partenaires, Itelis, Kalixia, Santéclair et Sévéane. Le nom de la plateforme sélectionnée figure alors sur la carte de tiers payant de l'assuré, avec son logo.


Un réseau de soins est la réunion de professionnels évoluant dans les domaines de la santé, comme les dentistes, les opticiens ou les audioprothésistes, mais aussi les ostéopathes, les diététiciens, les psychologues, les sophrologues ou les naturopathes.

Des services à découvrir

L'objectif de ces réseaux est de permettre de bénéficier de tarifs avantageux sur des prestations contrôlées par les plateformes qui garantissent la qualité et la traçabilité du conseil. Certaines vont jusqu'à fabriquer leurs propres produits (les lunettes par exemple). D'autres mettent à disposition des services innovants, tel que le pré-diagnostic médical qui, grâce à l'intelligence artificielle, oriente le patient vers le service médical le plus adapté au regard des symptômes évoqués.

Bien que les noms des plateformes de santé soient mentionnés, de manière visible, sur les cartes de tiers payant, les assurés n'y font pas toujours attention. Le résultat est que, sauf en optique, leur taux d'utilisation reste encore décevant. Cette situation est dommageable car il s'agit pour les patients d'une perte de chance d'obtenir un gain financier pour des services intéressants et qu'ils ont, de surcroit, payés dans leurs primes ou cotisations. Il est vrai aussi que certains professionnels de santé n'aident pas à l'utilisation des réseaux de soins et s'en méfient au nom de leur politique de remboursement différenciée qui serait susceptible de freiner le libre choix par l'assuré de son praticien médical.


Alors que l'assurance santé se banalise, sous le poids de l'hyper-réglementation, les assureurs devront faire preuve d'initiatives pour justifier de leur utilité et se différencier entre eux. Les services et innovations apportés par les plateformes de santé peuvent les y aider à condition d'être acceptés par tous. C'est dans ce contexte que les réseaux de soins ont fondé en avril 2021, l'Association des Plateformes Santé (APFS) afin d'améliorer la compréhension de leur rôle dans l'accès aux soins des adhérents des organismes complémentaires d'assurance maladie.

(1) Une mutuelle est un organisme qui appartient à la famille des assureurs mutualistes, à la différence des institutions de prévoyance et des compagnies traditionnelles d'assurance. Toutes ces entités proposent des complémentaires santé. Le terme mutuelle santé est impropre car il se réfère aux organismes mutualistes dont le marché de prédilection est, historiquement, celui de l'assurance santé.