
Le "Système National des Données de Santé", ou SNDS, fait polémique. Cet open data mis en place et géré par l'Assurance Maladie sera une vraie mine d'informations à laquelle les patients et médias auront un accès limité. Mais la diffusion et le partage de toutes ces données représentent un risque de fermeture d'accès des bases à la société civile. Médecins, patients et acteurs mutualistes se retrouvent autour de cette crainte soulevée par le volet "ouverture des données de santé" du projet de loi Touraine, supposé passer en avril devant le Parlement.
D'où viennent les données de ce futur SNDS ?
Le SNDS regroupera deux grosses bases de données déjà existantes : le PMSI, répertoriant les données d'hospitalisation des patients; et le SNIIRAM, jalousement gardé par l'Assurance maladie, qui référence le détail des remboursements en ville.
Le SNDS collectera en plus les données des communes concernant les causes de décès, ainsi que le futur fichier des établissements médico-sociaux et le système d'information pilote Monaco (créé en partenariat entre la Sécurité Sociale et les complémentaires santé), qui permet de connaître le reste à charge des patients. Ce qui déplait clairement aux praticiens de santé et aux assureurs, c'est que ce soit l'Assurance maladie qui opère le SNDS. Pour le député PS Gérard Bapt, une autre question est soulevée : "a-t-on vraiment besoin d'un hébergement unique?".
Les risques d'un open data santé
Plus le fichier est conséquent, plus il sera évidemment sujet aux convoitises. Des sécurités doivent donc être mises en place pour contrer les tentatives de piratage ou de mauvaise utilisation éventuelles. Le ministère de la Santé a donc commandité un comité scientifique pour examiner toutes les demandes d'ouverture de données et vérifier la qualité du traitement avant toute publication.
Or, cette solution qui convient aux chercheurs sur le long terme n'est pas au goût des médias, qui traitent eux-mêmes les données brutes du PMSI qu'ils reçoivent chaque année. Ils craignent à présent de n'avoir accès qu'à des données déjà assemblées et appauvries. Alors, est-ce une ouverture réelle ? Christian Babusiaux, président de l'Institut des données de santé, n'est pas tout à fait de cet avis : « Au lieu d'ouvrir le Sniiram, on risque de reverrouiller le PMSI ». Il craint qu'on prenne une décennie à constituer ce grand fichier et que celle-ci ne soit pas financée par le Gouvernement. Mais celui-ci nous rassure : cet open data n'est en fait qu'une interconnexion de données déjà existantes, qui ne coûtera aucun coût supplémentaire. Tout cela reste bien-sûr à voir...
Les mouvements créés par la loi Touraine
En attendant, les médecins libéraux, qui n'approuvent pas la mise en place de cet open data, se sont mis en grève ce lundi, jusqu'au 31 décembre. Les soins en ville et dans les cliniques seront assurés par les hôpitaux publics et par d'autres médecins réquisitionnés pour les fêtes de fin d'année.
Les médecins libéraux demandent la réécriture ou le retrait du projet de loi santé, car ils contestent :
- le tiers payant intégral et obligatoire,
- le renforcement des pouvoirs des autorités régionales de santé,
- la délégation de certaines tâches médicales à des pharmaciens, sages-femmes ou infirmiers.
Pour eux, ces réformes symbolisent une "étatisation" du système de santé et l'affaiblissement de la politique conventionnelle.
Si l'on ajoute à cela la déréglementation des professions libérales avec la loi Macron, prévue pour janvier à l'Assemblée Nationale ; les propriétaires de cliniques envisageant des grèves en janvier ; et les élections départementales en mars, on obtient un climat littéralement explosif. Marisol Touraine et sa loi tiendront-elles bon ?