La loi n° 2015-992 du 17 Août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte autorise, en son article 37, le gouvernement à adapter la législation française afin de permettre la circulation sur la voie publique des voitures à «délégation partielle ou totale dites voitures autonomes».

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Voitures autonomes : décalage entre avancées technologiques et réglementation

Il faut dire que le gouvernement français a pris son temps en la matière car c'est par une ordonnance n° 2016-1060 du 03 Août 2016 qu'il autorisait l'expérimentation des « voitures sans chauffeur » sur les routes et autoroutes françaises. Ces véhicules, dont la particularité est d'être entièrement automatisés et de ne nécessiter aucune intervention humaine, seront, semble-t-il, prêts pour la commercialisation d'ici 2020-2025.

Cependant, force est de constater que la législation actuelle concernant les véhicules terrestres à moteur en général et les voitures en particulier est inadaptée à cette nouvelle avancée technologique. L'ordonnance d'août 2016 prise en Conseil des ministres se contente d'autoriser l'expérimentation publique sans autre précision concernant la réglementation que les constructeurs devraient respecter à cet effet.


Si la loi de 2015 autorise le gouvernement à légiférer dans ce domaine sans en préciser les contours, ce dernier semble encore frileux à se positionner clairement en établissant une série de règles spécifiques. Dans un compte-rendu officiel, le Conseil des ministres indique que le principal obstacle légal serait les règles internationales en vigueur en matière de circulation routière et de code de la route.

La convention de Vienne de 1968 : un frein à la légalisation des voitures autonomes

La réglementation actuelle en vigueur découle de la Convention internationale de Vienne du 8 novembre 1968 sur la circulation routière entrée en vigueur en mai 1977 dont la France et la majorité des pays européens sont signataires. Le nerf de la guerre se situe en son article 8 qui prévoit notamment que :

  • tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur,
  • tout conducteur doit avoir le contrôle total de son véhicule en ayant les deux mains sur le volant.

Ce texte, reproduit dans le code de la route, a rendu difficiles les premières expérimentations en la matière mais surtout les tentatives législatives et réglementaires des autorités des pays signataires, dont la France, notamment à cause des difficultés pratiques posées par la notion de conducteur et la nécessité de «contrôle du véhicule».

Une convention en cours de modification par l'ONU

Le 23 mars 2016, la Commission Européenne des Nations Unies a modifié la Convention de Vienne afin de l'adapter aux avancées actuelles et de permettre aux Etats signataires de légiférer sur les voitures autonomes.

Dans son communiqué, la Commission déclare que, désormais, les « systèmes de conduite automatisée » seront explicitement autorisés sur les routes « à condition qu'ils soient conformes aux règlements des Nations Unies sur les véhicules et qu'ils puissent être contrôlés voire désactivés par le conducteur en cas de besoin».

Elle abandonne donc la notion de « contrôle total du véhicule par le conducteur » qui posait problème au gouvernement français. Cependant, la Commission ne va pas s'arrêter là.


Par ailleurs, elle prévoit de revoir d'autres notions. Au programme : inclure dans le règlement les fonctions de direction à commande automatique, d'assistance au stationnement ou encore celle d'auto-pilote sur autoroute.

Cette avancée de la réglementation européenne va sûrement permettre une meilleure réglementation dans les mois et années à venir en France concernant les voitures autonomes. La France qui s'inscrit en mauvaise élève face aux Etats-Unis, à l'Allemagne ou à la Belgique en termes d'autorisations et de réglementations des voitures autonomes doit rattraper son retard. A cet effet, elle devra assouplir les restrictions juridiques actuelles et prévoir un cadre réglementaire spécifique.

D'autre part, il se pourrait que le gouvernement français ait plutôt choisi de jouer la carte de la prudence, attendant la fin des tests sur la voie publique et le début de la commercialisation avant d'édicter un corps de règles précis en la matière. Il ne faudrait cependant pas que la législation française ne soit pas adaptée lorsque les voitures autonomes seront prêtes à la commercialisation à grande échelle.

Où en sont les autres pays européens ?

La Belgique : très bonne élève ?

Pionnière en Europe, la Belgique a décidé d'adapter sa législation à l'arrivée des voitures autonomes fin 2016. En septembre 2016, le ministère belge de la mobilité a rendu public un « code de bonnes pratiques d'expérimentations » prévoyant des règles et des recommandations que les industriels devraient respecter lors de la conception et des tests des voitures autonomes dans les lieux publics.


Le code qui n'est pas « un corps de règles de droit définitif concernant les voitures autonomes, mais un guide de recommandations claires pour garantir la sécurité de tous lors des phases d'essais », prévoit différentes obligations :

  • la présence constante d'une personne dans la voiture pour pouvoir reprendre le contrôle en cas de difficulté lors des tests sur voie publique, 
  • la vitesse ne doit pas dépasser 30km/h dans les lieux publics et sur les terrains privés accessibles au public, 
  • la rédaction d'un rapport pour chaque test effectué, qui soit transmis aux autorités, 
  • la divulgation d'informations à la presse ou au public doit également se faire en accord avec les autorités compétentes.

La Belgique propose donc, contrairement à la France, toute une série de règles que devront respecter les constructeurs automobiles pour pouvoir mettre en circulation les voitures autonomes sur les voies publiques.

L'Allemagne : la qualité Allemande se veut claire et précise

Terre de prédilection de l'industrie automobile, l'Allemagne vient d'autoriser sur ses routes les tests des voitures autonomes en prenant soin d'encadrer strictement ces expérimentations. Le Parlement allemand a adopté en mai 2017 une loi autorisant les constructeurs automobiles à tester les voitures autonomes sur les routes. Cette loi encadre strictement les tests et pose des conditions :

  • exigence de la présence derrière le volant d'un conducteur « de supervision »,
  • autorisation pour le conducteur de consulter son téléphone au volant uniquement pour tester l'efficacité de la voiture autonome, 
  • obligation de prévoir une boite noire dans le véhicule : l'idée avait plusieurs fois été évoquée par les constructeurs. Le Parlement allemand a décidé d'en faire une obligation afin de comprendre ce qui se passe à l'intérieur du véhicule en cas d'accident. La présence de la boite noire permettra de déterminer la responsabilité en cas d'accident de la circulation.

Cette loi a été élaborée par un comité mis en place en février 2015. Il était chargé de discuter et d'établir les règles et les points majeurs en vue de la première loi sur les voitures autonomes. Il aura donc fallu deux années à l'Allemagne pour mettre en place les premières règles sur la conduite autonome.

Il est déjà prévu que la loi du 12 mai 2017 soit révisée tous les deux ans afin de s'adapter aux évolutions futures en la matière et aux conclusions des tests.


De plus, les ministères des transports allemands et français ont décidé de s'associer dans la course à la voiture autonome, puisqu'en février 2017, les deux pays ont annoncé la création d'un site d'expérimentation transfrontalier dédié aux essais sur la voiture autonome entre Metz et la Sarre.

En dehors de la France, la Belgique et l'Allemagne, des tests sur les voitures autonomes ont également été autorisés en Suède et en Grande-Bretagne. Ces deux pays, qui ont déclaré modifier prochainement leur législation afin de mieux appréhender la commercialisation des voitures autonomes, n'ont pas encore prévu de réglementation spécifique à ce sujet.

Le 20 février dernier, près de 26 pays européens, réunis à Amsterdam pour une conférence sur le véhicule connecté et autonome, ont décidé d'autoriser les expérimentations sur voie publique des voitures autonomes.