Même s’il est annoncé que l’arrivée de la voiture autonome se conjuguerait avec une baisse importante de la sinistralité sur les routes, il n’existe cependant pas de risque zéro et de nouvelles questions font leur apparition. Qui sera tenu responsable en cas d’accident impliquant un véhicule autonome ?

L'inadaptation des règles actuelles aux voitures autonomes
Dans le cadre de la loi Badinter du 5 juillet 1985, il est fait une distinction de régimes d'indemnisation entre le conducteur et les personnes passagères lors d'un accident de la circulation (articles 3 et 4 de la loi). Cette distinction se base sur les définitions mises en place par la convention de Viennes de 1968. En effet, elle précise que le conducteur est celui « qui a le contrôle du véhicule ». Cette définition a, au fur et à mesure, été étoffée par les différentes juridictions dont la Cour de Cassation qui imposent toutes, la maîtrise du véhicule pour posséder la qualité de conducteur.
Pour adapter la législation actuelle aux voitures autonomes, il faudrait modifier la loi Badinter en supprimant la distinction conducteur/non conducteur et prévoir un seul régime d'indemnisation. Cette modification est déjà envisagée par la prochaine réforme du droit de la responsabilité civile actuellement en cours.
Cependant, il faut préciser que la loi Badinter est une loi tournée vers l'indemnisation des victimes et ne prend donc pas en compte la question de la responsabilité. Elle se base sur « l'implication » d'un véhicule dans un sinistre, à charge de celui qui indemnise d'exercer un recours contre celui qui est réellement responsable. La question de la détermination du responsable demeure donc finalement.
Quelle responsabilité pour la voiture autonome ?
Le maintien de la responsabilité civile du conducteur/ propriétaire du véhicule
Le législateur peut choisir de maintenir le système de responsabilité actuelle et l'application de la loi Badinter pour l'indemnisation des victimes d'un accident de la circulation. Outre l'indemnisation des victimes par l'assureur des conducteurs impliqués, il est prévu par à l'article 1240 du Code civil que celui qui cause un dommage à autrui est tenu de le réparer. Autre question : le conducteur et son assureur qui ont indemnisé les victimes pourront-ils se retourner contre les concepteurs en cas de preuve de défaillance du système d'autonomie ?
Cette solution, qui semble injuste pour les futurs conducteurs de véhicules automatisés, est écartée actuellement par les nombreux spécialistes qui prévoient un déplacement du régime de responsabilité.
Le recul de la responsabilité des conducteurs conduira à une augmentation de celle des autres intervenants : fabricants, producteur de pièces, programmateurs, fournisseurs de données. Autant de responsables que de recours pour la victime à prévoir.
La responsabilité du fait des produits défectueux
Si ce n'est plus le conducteur qui est responsable d'un accident causé par un véhicule indépendant, ce serait donc la machine qui aurait pris, par elle-même, certaines décisions. Au-delà de la question éthique qui alimente bien des débats, celle de la responsabilité reste la plus importante. Dans ce cas de figure, il faudra se reporter à la responsabilité du fait des produits défectueux.
Les articles 1245 et suivants du Code civil prévoient qu'en cas de défectuosité d'un appareil causant un dommage à autrui, le responsable est le fabricant et non son utilisateur. Ce serait donc le constructeur de la voiture qui serait responsable en cas d'accident de la circulation.
Aux Etats-Unis, les Etats de Columbia, de Floride et du Nevada, qui ont déjà légiféré en la matière, ne retiennent pas la responsabilité du constructeur automobile mais retiennent plutôt celle du concepteur du système autonome, qui est un autre intervenant dans la conception d'une voiture autonome. En effet, ce ne sont pas systématiquement les mêmes entités qui conçoivent la voiture et le système de navigation autonome qui y est inclus.
Certains constructeurs, quant à eux, ont choisi de se positionner directement avant toute législation. A cet effet, le PDG de Volvo, Hakan Samuelsson, a déclaré en décembre 2015 qu'en cas d'accident de la circulation impliquant une de leurs voitures autonomes, la responsabilité de la marque serait directement engagée. Il a été rejoint sur la question par le constructeur Mercedes mais aussi par Google début 2016.
Il serait également possible d'invoquer l'application des dispositions relatives à la garantie des vices cachés, propre aux contrats de vente prévue dans les articles 1641 et suivants du Code civil. Elle rend responsable le vendeur d'un produit en cas de défectuosité de ce dernier. Par contre, charge est à la victime de prouver le dommage, le caractère défectueux du produit et le lien de causalité entre les deux.
Deux problématiques principales se posent alors dans ces trois hypothèses :
- la dispersion des responsabilités du fait de la multiplicité des intervenants,
- la multiplication des recours entre la victime et les responsables puis entre les responsables entre eux.
Prévoir une responsabilité contractuelle
En l'absence de cadre réglementaire défini par le législateur français, il serait possible d'inclure dans les contrats signés entre les différents acteurs une clause qui définirait clairement le régime de responsabilité en cas d'accident. Il faut préciser que si le risque est, in fine, assumé par le constructeur automobile, cela se répercutera évidemment sur le prix des voitures autonomes.
Dans ce cas, il faudrait appeler à la vigilance du particulier lors de l'achat d'un véhicule autonome. Il devra alors s'assurer que le contrat de vente ne prévoit pas des exclusions de responsabilité.
Mais alors, que devient le conducteur ? Doit-on exiger qu'il reste totalement attentif pour pouvoir reprendre le contrôle de la voiture si besoin ou faudra-t-il prévoir une formation spécifique ?
En dehors des différents états américains ayant déjà légiféré sur la question, l'Allemagne a voté, le 12 mai dernier, une loi sur les voitures autonomes. Cette dernière prévoit la présence obligatoire dans ces voitures d'une boite noire dont le but serait de permettre la détermination des responsabilités en cas d'accident. Cette loi prévoit un partage de responsabilité entre le constructeur et le conducteur selon que le véhicule ait été en conduite autonome totale ou que le conducteur en ait eu le contrôle.
Cette solution serait sûrement la mieux adaptée à la situation. Reste à savoir quel sera le choix du législateur français parmi toutes ces options. Pourtant, le partage de responsabilité appelle une autre question : qui devra souscrire l'assurance automobile ?
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