Reconnaissance de la faute inexcusable de la victime passagère

La faute inexcusable du passager, cause exclusive de l'accident, lui fait perdre son droit à être indemnisé

Le 19 novembre 2015 la Cour de cassation a rendu un arrêt intéressant tant il est rare que, comme en l'espèce, soit reconnue la faute inexcusable de la victime entraînant la perte de son droit à l'indemnisation.

Alors qu'elle était passagère d'un véhicule circulant de nuit sur une voie rapide, la victime est précipitamment sortie du véhicule pour descendre sur la chaussée. Une voiture qui sortait du virage l'a rapidement percuté, la blessant grièvement.

Les juges du fond ont alors été saisis d'une demande d'indemnisation qu'ils ont rejetée. En effet ces derniers ont relevé que, bien qu'étant sous le coup d'une vive émotion, après une dispute avec le conducteur du véhicule, et alcoolisée, le comportement de la victime représentait une faute inexcusable, cause exclusive de son accident. Dès lors l'assureur n'était pas tenu d'indemniser la victime.


Les parties ont alors formé un pourvoi afin de contester cette exclusion du droit d'indemnisation de la victime. La Cour de cassation a cependant rejeté le pourvoi, approuvant ainsi les constatations des juges d'appel.

Au sens de la loi du 5 juillet 1985 la victime passagère est pourtant une victime « protégée ». En effet, quel que soit le comportement des personnes impliquées dans l'accident, cette dernière aura droit à l'indemnisation de son préjudice. Seule possibilité pour l'assureur de ne pas l'indemniser : la faute inexcusable de la victime seule cause de l'accident. Néanmoins en pratique il est très difficile de prouver que la faute, même si elle est inexcusable, est cause exclusive de l'accident. En effet il a déjà été rendu plusieurs décisions où les faits semblaient répondre à ces conditions mais ayant pourtant été rejetés. C'est le cas par exemple du passager qui laisse conduire son véhicule par une personne qui n'est pas titulaire du permis de conduire et qui, de plus, est en état d'alcoolémie et sous l'emprise de stupéfiants. Néanmoins sa faute n'étant pas cause exclusive de l'accident ce dernier a pu être indemnisé (Cour de cassation 2ème chambre civile, 2 juillet 2015).

Dans notre cas en revanche les juges ont considéré que « ce dernier s'est volontairement exposé, sans raison valable, à un danger d'une exceptionnelle gravité dont il aurait dû avoir conscience ; qu'en se plaçant sur la chaussée dans de telles conditions, rendant sa présence totalement imprévisible et irrésistible pour la conductrice du véhicule qui l'a percuté, son comportement a été la cause exclusive de l'accident. »

Ainsi en cas de faute inexcusable et cause exclusive de l'accident le passager d'un véhicule perd son droit à l'indemnisation.

Bon à savoir Cette règle est aussi valable pour le piéton qui bien que « privilégié » par la loi Badinter peut, dans ce type de cas de figure, perdre lui aussi son droit à l'indemnisation.