Réparation sans perte ni profit du préjudice de la victime

La perte de gains professionnels par la mère de la victime doit être réparée

Dans un arrêt du 14 avril 2016 la Cour de cassation est venue rendre une décision intéressante concernant l'indemnisation de la mère de la victime déjà indemnisée par son assureur au titre des frais d'assistance par tierce personne.

Alors qu'il était en vélo un jeune garçon a été victime d'un accident de la circulation avec un véhicule. À la suite de cet accident la victime a été atteinte d'une incapacité partielle permanente de 75%. La victime et ses parents ont, de fait, assigné le conducteur du véhicule et son assureur en réparation des préjudices subis. La victime se voit donc logiquement attribuer le versement d'une indemnité au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne.


Le problème survient alors que la mère de la victime réclame la réparation de son préjudice économique personnel. En effet à la suite de cet accident cette dernière a cessé son activité professionnelle afin d'assister son jeune fils. À ce titre elle réclamait que son préjudice, consistant en une perte de gains professionnels et de droits à la retraite, soit lui aussi réparé.

S'il est de jurisprudence constante que le fait qu'une personne de la famille assiste la victime ne doit en aucun réduire son droit à une indemnité complète pour l'assistance par une tierce personne, la cour d'appel rejette cependant la demande de la victime. Les juges retiennent en effet que le lien de causalité entre l'accident de son fils et l'arrêt de son activité n'était pas démontré mais résultait bien d'un choix de sa part.

Dans le pourvoi formé devant la Cour de cassation, l'assureur soutenait que la condamnation au paiement d'une indemnité de la mère de la victime revenait à réparer deux fois le même préjudice puisqu'une indemnisation pour l'assistance par une tierce personne avait déjà été versée.

La Cour de cassation, dans sa décision, rejette le moyen de l'assureur et casse la décision de la cour d'appel. Elle énonce dans son attendu « qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si [la mère de la victime] avait été obligée d'abandonner son emploi pour s'occuper de son fils et si, de ce fait, elle avait subi un préjudice économique personnel en lien direct avec l'accident consistant en une perte de gains professionnels et de droits à la retraite qui ne serait pas susceptible d'être compensée par sa rémunération telle que permise par l'indemnité allouée à la victime directe au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ».


La Cour de cassation a donc énoncé, au sens de son interprétation de la notion de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit, que le fait que la mère de la victime ait dû abandonner son emploi pour s'occuper de son fils pouvait constituer un préjudice économique certain et en lien direct avec l'accident, qui ne peut pas être compensé par sa rémunération consistant dans le versement d'une indemnité au titre de l'assistance par tierce personne à la victime de l'accident.

Il s'agit en l'espèce d'une décision qui semble juste rendue par la Cour de cassation, qui veille à la stricte application du principe de réparation du préjudice de la victime sans perte ni profit.