L’accessibilité des établissements recevant du public

La loi du 11 février 2005 prévoyait la mise en accessibilité de tous les établissements recevant du public (ERP) pour le 1er janvier 2015. Force est de constater aujourd'hui que l'objectif n'a pas été atteint. Faisons le point sur le sujet, où en est-on et quelles sont les perspectives ?
La mise en conformité des ERP ?
Un ERP est un établissement qui, quelle que soit sa taille, a vocation à recevoir du public. Il s'agit donc d'un lieu dans lequel les personnes sont admises librement ou contre un paiement. Dès lors un très grand nombre de bâtiments tel que des magasins, super marchés, mairies, écoles, hôpitaux, restaurants et autres sont concernés.
Si ces derniers doivent répondre de certaines caractéristiques techniques propres à la sécurité visant à limiter les risques et l'évacuation des locaux en cas de survenance de ces derniers, ils doivent aussi, depuis la loi du 11 février 2005, procéder à leur mise en accessibilité.
Cela signifie qu'ils sont soumis à l'obligation légale d'adapter leur environnement, aussi bien interne qu'externe, afin d'être accessible pour les personnes handicapées (pour tous les types de handicaps). À ce titre les travaux doivent être conformes à certaines normes permettant une circulation libre et autonome des personnes handicapées ainsi qu'une utilisation normale des locaux et des équipements.
Il s'agit ici de rendre accessibles et utilisables dans les mêmes conditions que les personnes valides tous ces établissements recevant du public, sans exception.
À ce titre la loi avait donc posé l'obligation pour tous les ERP d'être aux normes au premier janvier 2015. Or, force est de constater qu'à ce jour l'objectif est loin d'être rempli. La faute à des responsables et gestionnaires peu inquiétés par un dispositif légal jusqu'à présent trop souple, qui n'a pas permis la mise en place de structures adaptées dans tous les ERP.
Quelles perspectives ?
Si le dispositif légal en place n'avait, jusqu'à présent, pas assez de poids pour être entièrement respecté, il s'est étoffé depuis 2014.
Tout d'abord avec la création de l'agenda d'accessibilité programmée par la loi du 26 septembre 2014, puis, plus récemment, avec le décret du 11 mai 2016.
En septembre 2014 voyant que le 1er janvier 2015 arrivait et qu'on était encore très loin de l'objectif escompté, l'agenda d'accessibilité programmée a été mis en place. Cet agenda est en fait le programme de la mise en accessibilité des locaux. Devant être déposé en mairie ou préfecture normalement avant la fin du mois de septembre 2015, il doit contenir le déroulement des travaux prévus, devant être terminés en trois ans au maximum, ainsi que le prévisionnel du financement. Avec cet outil les établissements devaient donc tous indiquer comment ils prévoyaient de se mettre aux normes dans un timing imposé, sous peine de sanctions civiles et pénales.
L'un des objets du décret du 11 mai 2016, entré en vigueur le 14 mai, est justement le développement de ces sanctions. Il encadre tout d'abord le dispositif en nommant le responsable de cette obligation de mise en accessibilité. Il désigne en effet « le propriétaire » de l'établissement ou de l'installation directement, plaçant ainsi sous sa responsabilité cette obligation. De plus le propriétaire est également responsable de la transmission des éléments de suivi relatifs à l'agenda d'accessibilité programmée ainsi que de l'attestation d'achèvement des travaux prévus dans ce dernier.
Une exception cependant puisque le texte envisage la possibilité que « ces obligations incombent toutefois à l'exploitant de l'établissement ou de l'installation lorsque le contrat de bail ou la convention de mise à disposition lui transfère les obligations de mise en accessibilité faites au propriétaire. »
Concernant les sanctions, il était déjà prévu à l'article L 111-7-10 une sanction pour deux cas de figure :
- « L'absence, non justifiée, de dépôt du projet d'agenda d'accessibilité programmée dans les délais prévus à l'article L. 111-7-6 est sanctionnée par une sanction pécuniaire forfaitaire de 1 500 € quand l'agenda porte sur un seul établissement dont l'effectif du public est inférieur au seuil mentionné au II de l'article L. 111-7-7 et de 5 000 € dans les autres cas.
- L'absence, non justifiée, de transmission des documents de suivi prévus par le décret mentionné à l'article L. 111-7-9 ou la transmission de documents de suivi manifestement erronés ainsi que l'absence de transmission de l'attestation d'achèvement à chaque autorité administrative compétente sont sanctionnées par une sanction pécuniaire forfaitaire de 1 500 € quand l'agenda porte sur un seul établissement dont l'effectif du public est inférieur au seuil mentionné au II de l'article L. 111-7-7 et de 2 500 € dans les autres cas »
Le décret est venu préciser l'application des mesures de sanction en cas de manquement à cette obligation de mise en accessibilité. Ainsi il faudra, dans un premier temps, demander au gestionnaire ou au propriétaire de l'établissement de produire les documents attestant du respect de ses obligations légales par lettre recommandée avec accusé de réception. Pour se faire la personne dispose d'un « délai d'un mois à compter de la réception du courrier, assorti, le cas échéant, de l'agenda d'accessibilité programmée ou de son engagement de le déposer dans un délai qu'elle indique et qui ne peut excéder six mois ». Le décret prévoit ensuite, si le courrier n'a pas été retiré, si la personne n'y a pas répondu dans les temps, ou si les documents transmis par cette dernière sont manifestement erronés, que la personne « est mise en demeure, par un courrier recommandé avec demande d'avis de réception qui rappelle les sanctions encourues, de produire, dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce courrier, des justificatifs probants tels que l'attestation d'accessibilité »
À ce moment-là les sanctions énoncées plus haut et prévues par l'article L 111-7-10 du Code de la construction et de l'habitation pourront être prononcées.
Le décret prévoit aussi une procédure de constat de carence lors de retards dans les travaux ou lorsque ces derniers n'ont pas été diligentés.
Avec ce nouvel arsenal législatif les propriétaires et gestionnaires d'ERP devraient désormais être plus attentifs au respect de cette mise en accessibilité des bâtiments. Si les choses ont pris du retard, nul doute que ce décret permettra d'y remédier en partie, laissant ainsi espérer des ERP partout accessibles dans un futur pas si lointain.