Des devoirs du maître d’œuvre réclamant la mise en œuvre de la garantie décennale

La preuve du préjudice avant la mise en oeuvre de la garantie décennale.

La Cour de cassation a rendu le 2 juin 2016 une décision enrichissante concernant la mise en œuvre de la garantie décennale demandée par un maître d'œuvre. Si la Haute juridiction avait déjà fait entendre très clairement que l'assureur ne devait pas payer plus que les coûts effectifs des travaux de remise en état, elle a cette fois-ci précisé les obligations de preuves pesant sur le maître d'œuvre réclamant la mise en œuvre de cette garantie.

Après des désordres apparus sur un mur de soutènement un maître d'ouvrage, ayant la qualité de particulier, réclamait la mise en œuvre de la garantie décennale de son constructeur par son assureur. Afin de prouver l'effectivité des désordres et leurs coûts, le maître d'ouvrage joignait à sa demande un procès-verbal de constat d'huissier des travaux de reprise ainsi que le devis d'un entrepreneur avant les réparations.


À la suite du refus de garantie opposé par le constructeur et son assureur, le maître d'ouvrage porte alors le litige devant un juge.

Au cours de l'instance le constructeur fait valoir que les particuliers n'ont pas porté à sa connaissance assez d'éléments attestant de l'entendue des désordres et permettant de chiffrer le dommage et le coût des réparations. En effet ce dernier estimait ne pas pouvoir se baser sur un unique devis, alors que lui-même proposait une solution de remise en état plus simple et moins coûteuse étant aussi effective. De plus l'expert judiciaire avait, à de nombreuses reprises, demandé au maître d'œuvre la production de moyens de preuves supplémentaires.

La cour d'appel refuse ainsi de donner raison au maître d'œuvre, le juge estimant que du fait de la non-production de pièces suffisantes « il n'aurait pas bénéficié d'éléments suffisants pour apprécier l'étendue du préjudice ».

Le maître d'œuvre forme alors un pourvoi en cassation estimant que par cette décision le juge d'appel s'est rendu coupable d'un déni de justice en ayant refusé d'apprécier l'étendue du préjudice. Il estime effectivement « que l'arrêt infirmatif attaqué a constaté l'existence d'un préjudice subi par les maîtres de l'ouvrage en relevant notamment que le locateur avait édifié un mur impropre à sa destination et en précisant qu'il ne déniait pas sa responsabilité dans la cause des désordres ; qu'il a néanmoins refusé d'évaluer le dommage, prétexte pris de ce que les maîtres de l'ouvrage avaient produit un unique devis pour établir le montant de leur préjudice », justifiant selon lui le déni de justice au sens de l'article 4 du Code civil.


Les magistrats de la Haute juridiction vont alors refuser le raisonnement du maître d'œuvre, estimant au contraire « qu'il n'avait pas produit aux débats le moindre document relatif aux travaux exécutés, mettant ainsi la cour dans l'impossibilité de vérifier quel en avait été le coût, et dans quelle mesure ces travaux correspondaient à l'opération lourde qui faisait l'objet du devis sur lequel il fondait sa demande, la cour d'appel a pu retenir, sans violer l'article 4 du Code civil, qu'il y avait lieu de tirer toutes les conséquences de la carence répétée de maître de l'ouvrage dans l'administration de la preuve lui incombant et rejeter la demande en paiement, faute d'éléments suffisants pour apprécier l'étendue du préjudice subi ».

L'attendu est très clair : le refus de produire les pièces demandées par l'expert, visant à chiffrer le préjudice, constitue un manquement de la part du plaignant. Ne respectant pas son obligation de prouver l'étendue du préjudice, il a ainsi mis le juge dans une position l'empêchant d'apprécier l'étendue du préjudice et lui permettant, de ce fait, de refuser la mise en œuvre de la garantie.

En résumé Cette règle semble primordiale s'agissant de la garantie décennale et c'est à bon droit que les juges ont tranché le litige. En effet cette garantie, visant à protéger le maître d'œuvre de toutes les malfaçons importantes d'un ouvrage, ne peut garantir qu'un dommage effectif. Ce faisant il est important que le juge veille au respect de ce principe, demandant ainsi à celui qui se plaint d'un dommage d'en prouver l'étendue par tous les moyens probants nécessaires. Ces derniers consistent, en l'espèce, en des expertises et devis permettant de trouver la réparation la plus juste possible. En refusant de se plier aux demandes successives et en n'apportant qu'un unique devis, prévoyant de plus la solution qui ne semblait pas la plus adaptée, le maître d'œuvre a commis un manquement rendant impossible l'indemnisation de son préjudice pourtant bien réel.

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