Les marques sont de plus en plus nombreuses à commercialiser directement leurs modèles sur leur propre site e-commerce. Une pratique qui inquiète les concessionnaires auto. Ils redoutent de perdre une bonne partie de leur valeur ajoutée. Celle-ci reviendra dès lors aux industriels. Certains ont pris le devant afin de sauver leur profession.

La digitalisation du secteur automobile pourrait-elle menacer le métier des concessionnaires ?

Pour les industriels, la digitalisation est une manière de se rapprocher des clients. Effectivement, aujourd'hui, ces derniers réalisent une grande partie de leur parcours d'achat en ligne. Cette pratique se répand notamment chez la génération connectée, pour laquelle Internet est devenu indispensable. Proposer leurs modèles en ligne permet ainsi aux constructeurs d'améliorer leur visibilité tout en réduisant les frais de distribution.

Dans certains secteurs comme celui de l'assurance auto, cette transformation digitale est loin d'être inquiétante. Mais ce n'est pas le cas dans l'automobile. Les concessionnaires risquent en effet de perdre leur marché et de se faire devancer par les industriels.

Vers un parcours client phygital

Afin de rester compétitives, la plupart des concessions auto ont mis en place leur propre site web. Elles se positionnent sur les requêtes locales. La digitalisation semble en effet gagner du terrain. Selon Jean-Pierre Diernaz, directeur général de MotorK en France, toutes les marques envisagent de digitaliser une partie du parcours client.


Toutefois, pour Christophe Maurel, président de la branche concessionnaire du CNPA, les industriels et les concessions doivent travailler ensemble. Ces dernières prennent en effet les risques à la place des constructeurs, puisqu'il leur appartient d'écouler leurs stocks.

Vendre les véhicules sans les magasins physiques semble ainsi difficile. D'autant que les essais, la livraison ainsi que le service après-vente requièrent leur présence.

Christophe Maurel imagine donc pour l'avenir un fonctionnement phygital. Il permet de tirer profit des avantages du digital, sans mettre de côté les distributeurs physiques. Mais dans ce contexte, une autre question se pose, celle des données.

Les data au centre des préoccupations

Indispensables pour mener à bien les ventes, les data deviennent le centre de l'attention chez les marques comme chez les concessionnaires. À qui revient alors le droit de les exploiter ?

Le groupement des concessionnaires Peugeot ne s'est pas attardé sur cette question. Il a restreint l'accès à leurs données clients aux industriels. Ils refusent de partager des informations constituant le pilier même de leur activité, avec le risque d'être mis à l'écart.

Mais les inquiétudes sont de plus en plus fortes avec l'arrivée prochaine de nouvelles réglementations. Celles-ci devraient encadrer la relation entre le constructeur et les concessions. La Commission européenne prévoit de les mettre en place d'ici 2023. Elle envisage d'accorder davantage de liberté aux industriels pour qu'ils puissent organiser leur réseau.

Un partenariat à revoir

PSA tient toutefois à rassurer ses partenaires. Son directeur Carlos Tavares a récemment annoncé la volonté du groupe de promouvoir un parcours d'achat 100 % en ligne. Le directeur ventes et marketing, Thierry Koska souligne :

Nos efforts sur la vente en ligne ne se font pas contre les membres de notre réseau, mais avec eux. Ils en sont parties prenantes. Les canaux de ventes sont complémentaires, il ne faut pas les opposer.

Le patron de Tesla, Elon Musk, a déjà envisagé de vendre uniquement en ligne en mars 2019. Il pensait ne pas faire appel aux concessionnaires, mais est revenu sur sa décision quelques jours après son annonce.

Aujourd'hui, l'essor de la digitalisation nécessite sans doute de repenser la relation entre les marques et les concessionnaires auto.