Selon les chiffres officiels, les procréations médicalement assistées ont coûté près de 300 millions d'euros à l’Assurance maladie en 2014. Les spécialistes dans le domaine comptent, de leur côté, environ 5 000 euros par intervention. En attendant l’extension de son remboursement, il serait intéressant de revenir sur le coût réel de cette technique médicale en France.

Le projet de révision de la loi bioéthique française a été récemment présenté en Conseil des ministres. Il devrait être débattu à l'Assemblée nationale en septembre prochain. Cette réforme implique notamment l'extension du remboursement de la PMA (Procréation médicalement assistée) aux femmes célibataires et aux couples lesbiens.
Pour l'instant, les PMA sont uniquement prises en charge pour les couples infertiles. Cet acte médical est néanmoins remboursé en totalité par l'Assurance maladie, à raison d'une insémination par cycle menstruel, de six tentatives et de quatre FIV (Fécondation in vitro) maximum. S'il est adopté, le texte ravira de nombreuses Françaises et augmentera le budget nécessaire pour couvrir ces interventions.
Une tendance à privilégier les procédés coûteux
D'après les chiffres communiqués par l'Assurance maladie en 2014, le coût d'une insémination artificielle est d'environ 950 euros, tandis qu'une tentative de FIV peut atteindre les 2 883 euros. Il s'agit toutefois de valeurs médianes. Les coûts de l'acte peuvent en effet varier en fonction du mode de prise en charge de la patiente, soit en ambulatoire, soit en centre hospitalier (privé ou publique).
En 2014, une FIV avec hospitalisation, par exemple, coûtait en moyenne 3 000 euros dans un établissement privé, contre 3 650 euros dans le public. Cette année-là, l'Assurance maladie a permis de couvrir différentes interventions, incluant l'insémination artificielle, la FIV, les transferts d'embryons congelés et les injections intracytoplasmiques (méthodes consistant à injecter un spermatozoïde directement dans l'ovocyte).
S'occupant entre autres de PMA, l'Agence de la biomédecine a constaté une hausse importante de ce type d'actes à partir de 2016. Cette année compte près de 147 730 tentatives de FIV, d'insémination artificielle ou de transferts d'embryons congelés (en intraconjugal ou impliquant des donneurs tiers). En 2014, ils n'étaient que 102 601 à avoir fait appel à ces méthodes.
D'après le Professeur Michaël Grynberg, gynécologue-obstétricien et spécialiste des questions de fertilité :
Cette augmentation tient au fait que nous sommes dans une société de consommation. Les gens n'attendent plus pour avoir un enfant. Ils veulent tout, tout de suite, et certains médecins précipitent le recours aux FIV, plus coûteuses que l'insémination artificielle, car elles nécessitent un passage au bloc opératoire.
Comme le souligne la porte-parole de l'association Juristes pour l'enfance, Aude Mirkovic, dans les colonnes du Point :
Il est clair que la prise en charge à 100 % a un effet d'entraînement : les médecins ont affaire à des patients très demandeurs et prêts à tout supporter pour avoir un enfant, et ceci, d'autant plus facilement que c'est remboursé à 100 %. Il en résulte un surrecours à la PMA très facilement observable : engagement hâtif dans le processus, FIV privilégiée sur l'insémination – pourtant moins invasive et moins dangereuse – en raison de ses meilleurs résultats.
Un débat encore ouvert
En principe, la caisse d'assurance maladie ne prend totalement en charge que les médicaments reconnus comme irremplaçables ou les affections de longue durée nécessitant un traitement spécifique. La PMA est pourtant remboursée à 100 % en France. Selon Aude Mirkovic, relayée par Le Point :
On vient de décider la fin du remboursement de l'homéopathie, car son efficacité thérapeutique ne serait pas prouvée. Mais pourquoi rembourser la PMA, qui n'a aucun objectif thérapeutique et n'a donc, en conséquence, pas le moindre effet thérapeutique, ni prouvé ni même allégué. De façon inexpliquée, le diagnostic et le traitement de la stérilité sont pris en charge à 100 %.
L'auteure de l'ouvrage « La PMA : un enjeu de société » (éd. Artège, 2018), est ainsi contre le projet d'extension de la PMA proposé par le gouvernement. Selon elle, l'infertilité est certes un dysfonctionnement de nature pathologique, mais ne menace en aucun cas l'état de santé de la personne concernée, et encore moins son espérance de vie.
De son côté, le Professeur Grynberg remet également en question les critères de sélection utilisés par l'Assurance maladie, notamment concernant la tranche d'âge des femmes prises en charge. Comme le souligne ce spécialiste de la fertilité :
La PMA est ouverte à toutes les femmes de 18 à 43 ans sans distinction d'âge. Or, toutes les femmes ne sont pas égales en fonction de leur âge […] Les femmes de 30 ans ont entre 60 et 70 % de chance d'arriver à tomber enceinte avec une PMA. Pour les femmes de 40 ans, ça tombe à 10-15 %.
De plus, le remboursement est basé sur un raisonnement par grossesse. Autrement dit, après une naissance issue d'une PMA réussie, si la patiente souhaite une nouvelle grossesse, elle pourra encore bénéficier d'une prise en charge intégrale dans les limites fixées pour la première intervention.
Tout se passe comme si les compteurs étaient remis à zéro pour chaque grossesse. Cette logique tend ainsi à augmenter significativement les charges pour l'Assurance maladie. De plus, l'organisme a sous-évalué le coût de ces actes à 3 000 euros. Pourtant, selon Professeur Grynberg, ces techniques coûtent en moyenne entre 4 000 et 5 000 euros.