La fraude sociale est un grand fléau gouvernemental, causant des pertes estimées à plus de 13,5 milliards d’euros aux finances publiques. Un chiffre des plus alarmant, avancé dans un rapport parlementaire publié en début du mois. Ce dernier dénonce d’ailleurs les approximations des fichiers, permettant d’accéder à des aides sociales, et qui méritent une mise à jour et un meilleur contrôle.

Le 3 septembre dernier a été remis au Sénat le rapport sur la fraude aux prestations sociales missionné par le premier ministre. Dans leur compte-rendu, la sénatrice Nathalie Goulet et la députée Carole Grandjean ont révélé l'ampleur des pertes qui s'élèveraient jusqu'à 10% des prestations publiques.
Parmi les causes énumérées, dont de documents falsifiés réalisés, entre autres, par des professionnels de santé, ont été citées plusieurs omissions de déclarations de décès. Un point important qui a cependant suscité d'importantes polémiques et une vive réplication de la part des organismes concernés, en l'occurrence l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Dans tous les cas, plusieurs solutions proposées par les deux missionnaires méritent quand même réflexion.
Des fraudes diverses et d'une ampleur inquiétante
Un communiqué récemment cosigné par l'Insee et les organismes de sécurité sociale a relevé une nette avancée de la lutte contre les actes frauduleux dans le secteur social. De fait, 1,2 milliard d'euros de fraudes ont été détectés en 2018 alors qu'ils s'élevaient à 860 millions quatre ans auparavant.
Une progression de 43% environ durant cette période, qui semble rassurer les observateurs quant à l'ampleur du contexte à croire le rapport des parlementaires, Nathalie Goulet et Carole Grandjean, remis mardi 3 septembre dernier. Missionnées par Matignon, ces dernières ont déclaré que le montant annuel déboursé à tort s'établirait entre 13,5 et 45 milliards d'euros. Selon ces deux rapporteuses :
« La fraude sociale est très large. On parle de 450 milliards de prestations sociales versées chaque année. Et sur ces 450 milliards, nous estimons entre 3 à 10% la fraude ».
Parmi les fraudes relevées se trouvent des documents falsifiés, dont près d'un tiers des auteurs se révèle être des travailleurs dans le domaine de la santé. Le rapport affirme que :
« 30% des fraudeurs de la Caisse d'assurance maladie sont des professionnels de santé. 80% du montant fraudé est du fait de professionnels de santé : médecins, transporteurs de patients, infirmiers... »
Les autres falsifications concernent les déclarations de revenus et de logements afin de bénéficier de subventions indues. Sans oublier l'omission d'enregistrement de décès dans le but de continuer à percevoir les prestations qui échoient à celui-ci de son vivant. À ce propos, Carole Grandjean déclare que :
« Nous avons 3,1 millions de centenaires réputés en vie. Ils ne bénéficient pas tous forcément de prestations sociales, évidemment, mais nous avons plutôt en réalité 20 à 25.000 centenaires en vie ».
Des solutions portant à réflexion
Le rapport parlementaire a donné lieu à plusieurs propositions ayant pour objectif de remédier à la situation jugée critique. L'une des solutions serait de mettre à jour les fichiers de l'Insee et des organismes de sécurité sociale, entre autres le RNIPP (Répertoire national d'identification des personnes physiques).
Le fait est que quelque 110 millions de personnes y figurent depuis plus de 70 ans, à en croire le décret n° 82-103. Et il s'avère que des millions d'entre eux sont aujourd'hui des centenaires. Au responsable du département de la démographie à l'Insee, Valérie Roux, d'y donner sa réplique :
« Le RNIPP n'est pas un registre de la population vivant en France. Il sert avant tout à certifier l'état civil d'une personne. Sont enregistrées dans ce répertoire toutes les personnes qui naissent en France et les étrangers qui ont, à un moment donné, résidé sur le territoire national […] l'inscription à ce répertoire n'est associée à aucun versement direct de prestations ».
Pour rendre les traques à la fraude sociale plus efficace, l'on doit alors instaurer une obligation annuelle d'une preuve de vie. Du fil à aiguille, celle-ci devra obliger l'entourage d'un citoyen décédé à informer l'entité afférente.
En outre, il faut aussi penser à bien renforcer les justificatifs de résidence et sécuriser les données d'état civil. Pour cela, les organismes de Sécurité sociale et ceux liés à la fiscalité doivent se connecter entre eux. D'après Carole Grandjean :
« Le vrai sujet, c'est d'arriver à ce que les organismes sociaux se partagent la même adresse domiciliaire de l'assuré. On ne peut pas admettre qu'un assuré délivre plusieurs adresses à différents organismes sociaux ».
Enfin, la durée de vie des cartes vitales doit être restreinte conformément à celle des droits sociaux accordés aux résidents et surtout aux personnes de passage seulement dans le pays. En raison de leurs études par exemple, ou d'un travail temporaire. À la co-rapporteuse d'avancer :
« On souhaiterait sortir de la carte vitale à vie, donner des conditions de reconduction, et cela pourrait passer par une carte vitale dématérialisée et des ordonnances dématérialisées ».