L’artemisia s’est récemment retrouvée au centre d’une nouvelle polémique dans le cadre de la recherche de traitement contre le Covid-19. L’efficacité de cette plante contre le paludisme est déjà assez controversée dans le milieu médical. En tout cas, l’an dernier, le paludologue Pascal Millet a interpellé toutes les forces en présence pour que le débat reste strictement scientifique.

L’usage médical de l’artemisia doit-il répondre seulement à des considérations scientifiques ?

Le paludologue et médecin hospitalier du CHU de Bordeaux, Pascal Millet, s'est focalisé sur l'artemisia dans une tribune publiée en 2019 dans la revue scientifique Médecine et Santés Tropicales. En juin dernier, le quotidien Le Monde a relayé ce texte pour apporter des faits scientifiques à la controverse autour de cette plante.

L'artémisinine et ses dérivés sont des principes actifs présents dans des médicaments antipaludiques assez familiers pour le personnel hospitalier et les organismes de mutuelle santé. En revanche, la plante à l'origine de ces molécules est encore peu connue du monde médical, de la communauté scientifique en général et encore moins du grand public.

Un potentiel qui reste à explorer

Dans sa tribune, le paludologue dénonce notamment la recommandation, à titre préventif, de tisanes d'Artemisia annua à une personne voyageant dans une zone à risque de paludisme. En effet, quelques parasites peuvent survivre dans son organisme à son retour et risquent à terme d'entraîner son décès.


Cette infection est potentiellement fatale si elle n'est pas rapidement et correctement prise en charge. Or, après le traitement préventif à base de tisane, les parasites restants seront indétectables à toutes les techniques de diagnostic existantes, vu leur quantité infime dans le sang.

Outre l'artémisinine, les différentes espèces telles que l'Artemisia annua et l'Artemisia afra pourraient renfermer d'autres molécules antipaludiques. Il serait donc intéressant de financer plus de recherches sur cette plante pour découvrir tout son potentiel. Les grands laboratoires pharmaceutiques pourront ensuite envisager de valoriser ses vertus scientifiquement prouvées, sans nécessairement recourir au lobbying.

En définitive, les propos contradictoires autour de l'artemisia viennent d'un manque de neutralité sur le plan méthodologique. Il existe en effet de nombreuses publications scientifiques et médicales pertinentes sur le sujet. Toutefois, certains acteurs mettent ensuite l'accent sur un point précis et omettent d'autres éléments, souvent à travers des phrases hors contexte, pour servir leurs intérêts.

Comme l'a résumé Pascal Millet dans la tribune citée :

Seul un débat approfondi, […] conduit par des acteurs de la santé, […] accompagné d'un financement approprié de la recherche, permettra de progresser dans une réflexion complexe et pluridisciplinaire, vers des recommandations prenant en compte les réalités scientifiques, médicales et sociétales.

Un traitement à améliorer

Même si leur usage est sujet à caution, le paludologue Pascal Millet admet qu'il serait contraire à l'éthique de prohiber les tisanes d'artemisia dans les zones qui n'ont pas accès à des médicaments antipaludiques. C'est notamment le cas des personnes vivant dans les régions les plus reculées.


D'ailleurs, de nombreuses populations dans le monde ne disposent pas d'infrastructures de santé de base et de logistique pharmaceutique élémentaire, faute de moyens, par manque de volonté politique, à cause des guerres, etc. Dans ces conditions, l'usage d'artemisia est une alternative difficile à ignorer pour traiter une maladie potentiellement létale.

Les traitements à base d'artémisinine en monothérapie peuvent avoir des effets bénéfiques, mais temporaires sur le patient. Au final, ce type d'approche risque d'accroître la résistance des parasites à ce principe actif. Ce phénomène est malheureusement de plus en plus courant en Afrique et en Asie du Sud-Est.

Les médicaments à base d'artémisinine s'utilisent généralement dans les protocoles de traitement ACT et font partie intégrante des bithérapies antipaludiques. Ils doivent donc être administrés suivant cette méthode pour assurer leur efficacité dans la lutte contre le paludisme et empêcher les parasites de devenir résistants.

Selon Pascal Millet, les tisanes d'Artemisia annua permettent effectivement de faire baisser la fièvre et de réduire le nombre de pathogènes présents dans le sang. Elles peuvent même éliminer totalement les parasites de l'organisme si le dosage est correct. Cependant, sous cette forme, il n'est pas évident de déterminer avec précision la concentration du principe actif, contrairement aux médicaments.

Par ailleurs, de nombreux facteurs peuvent influer sur la quantité d'artémisinine dans la tisane, notamment au niveau de la plante elle-même (espèce, sol, climat, etc.). Le dosage peut également varier en fonction des traitements du produit (récolte, stockage, etc.) et de la préparation de la tisane (temps d'infusion, température, etc.).