Les passants sont-ils plus enclins à apporter leur soutien ou à rester des témoins passifs lorsqu’ils se trouvent face à une agression ? Deux études viennent apporter chacune leurs réponses, qui ne sont pas moins contradictoires. La première, menée il y a plus de 50 ans, dénonce l’inactivité. La seconde, plus récente, remet cette idée en cause.

Les chercheurs ont mis un nom sur cette tendance à rester inactif face à un accident ou une agression, le « bystander effect ». Apathie du spectateur en français. Ce terme a été inventé en 1964 suite à l'agression meurtrière dont a été victime une jeune New-Yorkaise (la tristement célèbre affaire de Kitty Genovese), pendant laquelle aucun passant ne l'aurait aidée.
Les études menées pour ce cas ont permis de conclure dans un premier temps que les passants restent souvent des témoins passifs. Les chercheurs de l'université de Copenhague, de Lancaster et de l'Institut néerlandais pour l'étude du crime et de l'application de la loi viennent toutefois contredire cette théorie.
Des victimes aidées par les passants dans 90 % des cas
Pour confirmer ou infirmer la théorie selon laquelle les passants restent inactifs, ces chercheurs ont examiné 1 225 images issues de vidéosurveillance. Les vidéos relatent des situations d'agression qui ont lieu dans un espace public, allant d'un simple désaccord à une dispute d'une plus grande ampleur.
Les chercheurs ont expressément choisi des vidéos qui proviennent de milieu urbain du Cap (Afrique du Sud), d'Amsterdam (Pays-Bas) et de Lancaster (Royaume-Uni). Ils se sont essentiellement intéressés aux zones de divertissement et aux quartiers d'affaires.
À partir de ces vidéos, les chercheurs en ont trié 219 afin de former un groupe de taille réduite. Ils les ont soigneusement sélectionnées, prenant uniquement celles où la police et les professions médicales sont absentes, dans lesquelles il n'existe aucun motif grave (tel un trafic de drogue), et sur lesquelles le comportement des personnes concernées est assez visible.
À l'issue de cette analyse, ils ont relevé que dans 9 cas sur 10, au moins l'un des passants venait en aide à la victime. Ils ont également conclu que plus il y avait de passants, plus la victime avait de chances d'avoir le soutien d'au moins l'un d'entre eux.
Pour être considéré comme ayant apporté son aide, le passant devait toutefois contribuer à calmer la tension, en agissant auprès de la victime ou de l'agresseur. Il consolait alors la victime, l'éloignait de l'agresseur ou apportait un soutien plus concret.
Dans 90,9 % des cas où le conflit durait 3 minutes et où environ 16 spectateurs étaient présents, au moins l'un d'entre eux avait adopté ce comportement.
Des études contradictoires
Cette étude ne fait pourtant pas mention de la suite de la procédure qui suit l'agression comme l'accompagnement à l'hôpital ou le témoignage à la police, mais se focalise sur le comportement des passants. À noter qu'en cas d'agression, la victime doit la déclarer auprès de l'assureur afin d'obtenir une assistance grâce à l'assurance agression.
Ces analyses présentent néanmoins des avancées pour les chercheurs qui souhaitaient comprendre l'absence de réaction chez les passants. En effet, les études précédentes restaient sur l'idée de l'apathie du spectateur.
Elles prétendaient que les passants intervenaient rarement dans les conflits en milieu urbain. Et que plus il y avait de spectateurs, plus ils hésitaient à agir. Cette théorie est soutenue par la psychologie populaire depuis des années.
Cette dernière étude vient donc la remettre en cause, et soutient, au contraire, que le niveau d'implication des passants est élevé en cas de conflits dans les zones urbaines. Ce n'est d'ailleurs pas la première étude qui a rejeté la théorie du « bystander effect ».
Une contre-analyse réalisée par des chercheurs en 2007 est revenue sur le cas de la New-Yorkaise en 1964 et a confirmé la présence de passants sur le lieu, essayant d'aider la jeune femme. Certains ont appelé la police pendant que d'autres tentaient de faire obstacle à l'agresseur.
Un paramètre peut toutefois remettre cette étude en question : elle s'est intéressée aux chances qu'avait la victime d'être aidée et non à l'intention des spectateurs. Il est ainsi possible qu'outre les personnes qui sont venues l'assister, les autres aient eu un sentiment d'inhibition.