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Dans un arrêt n°14-11206 du 26 Mars 2015, la 2ème chambre civile de la Cour de Cassation révoque le bénéficiaire d'une assurance vie pour modification de la clause bénéficiaire par acte sous seing privé. Cet arrêt s'inscrit dans la ligne de conduite que la Cour de Cassation suit depuis 1970.
Les faits :
En l'espèce, un époux souscrit une assurance-vie dans laquelle il désigne son épouse comme bénéficiaire. Il procède à une modification de la clause bénéficiaire dans une lettre manuscrite datée du 5 Juillet 2010, dans laquelle il désigne, en lieu et place de son épouse, ses enfants comme bénéficiaire de son assurance-vie. Cette lettre est reçue et enregistrée par l'Association Française d'Epargne Retraite (Afer) le 20 Juillet 2010. Néanmoins, l'épouse avait accepté la clause bénéficiaire le 10 Juillet 2010 auprès de ce même organisme. Elle demande à ce que la modification de la clause ne soit pas prise en compte car l'enregistrement de la modification est intervenu après son acceptation. Les enfants l'assignent afin de pouvoir prétendre au contrat.
L'épouse se défend par le biais du droit commun et notamment par l'article 1328 du code civil qui fait valoir que les actes sous seing privé n'ont de date, contre les tiers, que du jour où ils ont été enregistrés, du jour de la mort de celui ou de l'un de ceux qui les ont souscrits, ou du jour où leur substance est constatée dans les actes dressés par des officiers publics. Selon elle, la révocation ne vaut qu'à partir du 20 Juillet 2010, date de son enregistrement auprès de l'Afer.
Il s'agit donc de déterminer le moment de la révocation. En effet, si la révocation a lieu le 5 juillet 2010, date de la lettre manuscrite, l'acceptation de la clause bénéficiaire est sans effet. En revanche, si la révocation a lieu le 20 juillet 2010, l'acceptation antérieure est irrévocable. Après acceptation, le bénéficiaire dispose d'un droit direct et exclusif sur le contrat d'assurance-vie. On ne peut plus changer de bénéficiaire.
Ce que dit la cour :
La cour de cassation ne fait pas application du droit commun et rejette le pourvoi de l'épouse. En effet, l'article 1328 du code civil n'est pas applicable aux contrats d'assurance et à leurs actes modificatifs. Cette solution s'inscrit dans la politique de la Cour de Cassation choisie depuis l'arrêt n°69-10314 de la 1ère chambre civile du 28 octobre 1970.
Deux idées sont à retenir :
- La modification de la clause bénéficiaire par acte sous seing privé vaut dès sa rédaction. On fait ici application d'un régime dérogatoire au droit commun.
- Si la révocation du bénéficiaire intervient avant qu'il n'est accepté, l'acceptation perd son bienfondé et n'est pas valable.
La révocation a eu lieu le 5 Juillet 2010, date de sa rédaction. Elle est intervenue avant l'acceptation de l'épouse. L'assurance-vie sera donc au bénéfice des enfants !