
Prévue dans la loi de santé votée au mois de décembre 2015, la généralisation du tiers payant n'est pas encore totalement définie, notamment en ce qui concerne le système qui doit être mis en place pour la rémunération des médecins. L'Assurance maladie et les complémentaires santé ont présenté conjointement leurs propositions. Que prévoient-ils pour mettre en place le tiers payant généralisé ? Quel dispositif envisagent-ils pour respecter les délais ?
Des contraintes calendaires
Votée au mois de décembre 2015 dans le cadre de la loi de santé présentée par la Ministre de la Santé Marisol Touraine, la généralisation du tiers du payant doit entrer en application progressivement à partir du 1er juillet 2016 pour devenir un droit pour l'ensemble des patients à partir du 30 novembre 2017.
En partie retoquée par le Conseil constitutionnel, cette mesure fait également l'objet de la fronde des médecins qui ne veulent pas l'appliquer et n'envisagent aucunement des compromis sur ce sujet.
Pour mettre en application la généralisation du tiers payant, les caisses nationales d'assurance maladie et l'association des complémentaires santé avaient jusqu'à la fin du mois de février pour présenter un dispositif technique conformément à l'article 83 de la loi de santé. Dans un rapport commun, l'Assurance maladie et les complémentaires santé ont apporté leurs propositions le 17 février 2016.
Les propositions jointes au rapport
Le rapport conjoint devait répondre à deux problématiques : la garantie de paiement pour les professionnels de santé et une simplification d'utilisation pour tous les acteurs de ce système de remboursements.
La garantie de paiement
La contrainte principale tenait à ne pas faire porter le fruit du risque financier du tiers payant généralisé sur le professionnel de santé. Pour l'éviter, l'Assurance maladie et les complémentaires santé proposent :
- Concernant la part obligatoire, l'Assurance maladie garantira, après identification de l'assuré par la carte vitale, le paiement des consultations en se référant aux droits associés à la carte vitale même si ces derniers ne sont pas à jour. L'identification se fera par un nouveau dispositif appelé ADR (acquisition des droits).
- Concernant la part complémentaire, la garantie de paiement s'organisera entre le patient et le médecin. Concrètement, le médecin saisira les informations de l'attestation de droit du patient pour les mémoriser informatiquement. Un service en ligne de vérification des droits, appelé IDB (identification des droits des bénéficiaires) devrait voir le jour.
Grâce à ces deux sources d'identification, le patient ne devrait rien avoir à débourser à la sortie d'une consultation, à conditions d'être à jour de ses droits (hors cas de dépassements d'honoraires du professionnel de santé). ADR devrait être déployé à compter du 1er juillet 2016 et au 1er janvier 2017 pour l'IDB.
La simplification d'utilisation
Cette simplification devrait être rendue possible par des délais de paiement à respecter pour les organismes payeurs sous peine de pénalités. Ces délais seront encadrés et fixés par décret. Le rapport prévoit un délai maximal de 7 jours ouvrés.
Pour le moment, l'Assurance maladie obligatoire affiche un délai moyen de paiement de 3,2 jours pour les feuilles de soins électroniques contre 10 jours pour les feuilles papiers.
Pour la part complémentaire, les organismes de complémentaire santé s'engagent « à respecter des délais au moins identiques à ceux imposés à l'AMO ». Ils s'engageraient à respecter un délai de 5 jours ouvrés pour le paiement de feuilles de soins électroniques.
D'autre part, souhaitée par les médecins dans leurs revendications, l'hypothèse d'un « payeur unique » a été écartée par l'Assurance maladie et les complémentaires santé qui rencontreraient des « obstacles juridiques, opérationnels et financiers ». Ils proposent 3 solutions pouvant s'additionner :
- Equiper les professionnels de santé d'un système de suivi automatique des paiements obligatoires et complémentaires pouvant être intégré à leur propre logiciel
- Mettre en place des structures intermédiaires facultatives entre organismes payeurs et professionnels de santé pour gérer les échanges d'informations
- Donner la possibilité à ces structures intermédiaires de devenir « le payeur unique » entre les organismes payeurs et les professionnels de santé
Les réactions des différentes parties
À la sortie de la présentation du rapport, Nicolas Revel, directeur général de la Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés (Cnamts), assurait qu'entre l'ouverture des possibilités d'application du tiers payant généralisé et son obligation, « la pratique parlera ». Côté complémentaire santé, Etienne Caniard, président de la Mutualité française, estime que le tiers payant généralisé « ne coûtera rien » aux praticiens.
De leur côté, les médecins, par la voix de leurs syndicats, s'opposent encore fermement à ces propositions. Jean-Paul Ortiz, président de la confédération des syndicats médicaux français, écrit : « Voilà la réalité du dispositif qu'on veut imposer aux médecins : complexe, coûteux, inutile ! ». MG France déclare de son côté « le tiers payant généralisé n'aura pas lieu ».