Le reste à charge en termes de soins oculaires, dentaires et auditifs va bientôt être supprimé, ce qui permettra aux patients défavorisés de se faire soigner. Bien que ce soit une solution efficace, l’initiative risque de rendre le système de santé plus complexe qu’il ne l’est déjà. Ce qui amène à un besoin de révision dans son intégralité.

Les consommateurs seront bien ravis d'entendre que dans quelque temps, certains soins indispensables (les lunettes, les prothèses dentaires et les appareils auditifs) qui ont été jusqu'ici mal remboursés ne coûteront plus aucun centime. Leur prise en charge sera à 100 % d'ici la fin du quinquennat. C'est en tout cas la promesse qu'Emmanuel Macron a faite.
Après l'entente qui a été proclamée en décembre, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a enfin rencontré les assureurs à la mi-mai. Et avant que le projet ne soit mis en route, le gouvernement devra détailler son projet de réforme à la fin du mois.
Les répercussions causées par la hausse de prix dans le secteur de la santé
Les lunettes, les prothèses dentaires et les appareils auditifs sont les principaux appareillages qui posent actuellement problème dans le secteur professionnel privé. Certes la France revendique le titre du numéro 1 en matière de financement mutualisé de la santé grâce au reste à charge des patients, à un taux minime de 8%. Mais les couvertures santé ne concernent que les maladies graves et chroniques telles que le diabète, le cancer ainsi que les problèmes rénaux ou cardiaques.
Par ailleurs, une augmentation des prix des soins non vitaux à libres tarifs notamment les prothèses dentaires s'est fait ressentir. Ces accroissements sont une manière pour la Sécurité sociale de se désengager dans la médecine libérale.
Ce qui explique le renoncement aux soins des personnes à situation financière fragile qui ne peuvent pas profiter d'une couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C). Du côté des soins optiques, par exemple, le taux d'abandon arrive à peine à 10%, tandis que du côté dentaire celui-ci atteint 17%.
L'appellation « sans-dents », inventée par François Hollande pour désigner les familles démunies qui restent édentées à défaut de pouvoir s'offrir des implants. La situation actuelle a contribué à la croissance rapide de certains cabinets dentaires « low cost » à l'instar de Dentexia. Or, ce dernier a tout de même fait faillite en 2016. Cette enseigne a été connue pour des poses de prothèses à des tarifs très abordables mais avec des soins qui laissent à désirer.
Les prothèses auditives sont pour leur part, moins concernées vu que l'ensemble des utilisateurs sont des personnes âgées. Bien que l'appareil coûte en moyenne 1.500 euros par oreille, le patient ne prendra en charge que les 850 euros. Toujours est-il qu'un seul malentendant sur trois est appareillé, ce qui engendre l'isolation et la dépression des personnes âgées qui ont du mal à entendre.
Un montant doit être à portée de main pour couvrir les dépenses
Pour pallier ces difficultés, les restes à charge des ménages ont été confiés aux professionnels de santé, à l'assurance-maladie et aux mutuelles santé. À noter que la couverture intégrale des dépenses des foyers en matière de santé est estimée à 4,4 milliards d'euros environ. Cette somme sera répartie comme telle : 1,5 milliard en optique, 2,4 milliards en dentaire et 500 millions en auditif.
L'augmentation des volumes dépendra de la qualité des paniers de soins gratuits. Or, les compagnies d'assurance-maladie sont actuellement en train de serrer la ceinture. Les complémentaires santé, quant à elles, doivent réaliser plus de profit tandis que les médecins préservent leur marge bénéficiaire.
La solution adoptée par les assureurs est de proposer un prix qui soit le plus bas possible et d'éviter de renouveler régulièrement les lunettes ou les prothèses audio, même si cela mène à la perte des consommateurs et des vendeurs.
Par rapport aux nouveaux implants dentaires et aux montures de marque qui seront à la fois plus coûteuse et difficiles à rembourser, le taux de la marge sera évalué à près de 30% des volumes en dentaire et de 80 % en optique.
Les consommateurs se verront aussi subir une hausse de prix auprès des mutuelles. Bien que la ministre Agnès Buzyn a demandé aux assureurs de ne pas s'en mêler, ils trouveront quand même une solution pour augmenter leurs coûts. D'après une étude réalisée par un spécialiste en courtage d'assurance, ce sont les offres collectives les plus bas de gamme qui augmenteront le plus : de 5,6 à 8,9 %, dont de 3 à 5 % en dentaire, de 1,9 à 3,2 % en optique. Les garanties haut de gamme seront moins impactées (+1,6 %).
C'est d'ailleurs pour cela que le reste à charge zéro existe, pour faire régner l'égalité de santé. Avec la mise en place de cette réforme, les familles en difficultés financières ne seront plus obligées de renoncer à se soigner. Une révision répétitive des contrats, moyennant quelques milliards d'euros ne suffirait pas à équilibrer le système de santé. En effet, même avec une enveloppe contenant 225 milliards d'euros, la Sécurité sociale pourrait ne pas parvenir à financer des traitements innovants, à appréhender le vieillissement de la population, ni à rénover des hôpitaux.
Cependant, même si on s'apprête à réécrire une énième fois les contrats complémentaires « responsables » pour un effort de quelques milliards d'euros, le système de santé craque de toutes parts. L'enveloppe de 225 milliards de la Sécurité sociale et des assureurs ne suffit pas pour rénover les hôpitaux, financer les traitements innovants ou pour faire face au vieillissement.