Sans l’assurance, point de salut !

Dans notre société contemporaine, les risques sont en expansion et ils évoluent, contraignant les assureurs à revisiter leur rôle au sein de notre société. Ces derniers sont-ils prêts à prendre en charge tous les risques ?

Peut-on tout assurer ?

La multiplication des événements climatiques extrêmes (inondations, tempêtes, sécheresse, etc.) devrait induire une hausse de la sinistralité climatique de 93 % d'ici à 2050 en France, selon une étude. De même, si 2,5 millions de seniors étaient dépendants en 2015 dans l'Hexagone, l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) prévoit 3 millions de seniors dépendants en 2030, les générations du baby-boom atteignant le grand âge et l'espérance de vie s'allongeant.

On observe également une augmentation de la prévalence des maladies chroniques en France : le nombre de personnes bénéficiant du régime des affections longue durée (ALD) qui permet une meilleure prise en charge financière par l'Assurance maladie en cas de pathologie chronique a augmenté de 5,1 % par an entre 2011 et 2017, comme l'indique le Conseil économique social et environnemental, pour atteindre 10,7 millions de personnes en 2019. Autant de situations qui montrent que les besoins de notre société dans la protection assurantielle s'accroissent pour répondre à une recrudescence des risques.


Prise de risques inévitable

La prise de risques est inhérente à l'essor de notre société capitaliste et les activités humaines sont elles-mêmes organisées autour des risques. L'un des exemples les plus saillants est celui d'une centrale nucléaire qui permet, grâce à la production d'électricité, de favoriser le développement économique. Pour autant, un incident dans l'une de ces installations peut provoquer une catastrophe extrêmement dommageable sur les humains et l'environnement, comme ce fût le cas en 2011 dans la centrale de Fukushima en 2011, au Japon, ou encore en Russie, dans la centrale de Tchernobyl en 1986.

L'assurance, filet de sécurité

La création des Lloyd's à Londres en 1688 a permis le développement du commerce maritime à travers le monde, grâce à l'émergence de l'assurance pour protéger les bateaux et leur chargement. Depuis, le concept d'assurance a fait son chemin dans toutes les sphères de la société à l'échelle planétaire. Un grand nombre d'activités ne peuvent se faire sans que l'assurance ne vienne apporter sa protection sous la forme d'une indemnisation en cas d'aléa.

Comme la loi la définit, l'assurance est une convention par laquelle, en contrepartie d'une prime, l'assureur s'engage à garantir l'assuré en cas de réalisation d'un risque prévu au contrat. A partir de là, tout peut être assuré : jambes de footballeurs professionnels, œuvres d'art d'une valeur exorbitante, cordes vocales d'artistes célèbres, collections d'objets les plus inattendues, animaux exotiques, etc.


En vue de couvrir des biens, des personnes et même de l'immatériel (par exemple, une entreprise peut se prémunir du risque de réputation car un problème d'image de marque peut engendrer une baisse de son chiffre d'affaires), l'assurance est là pour apporter son filet de sécurité. Et les assureurs (et les réassureurs) entendent même renforcer leur rôle en cherchant éventuellement à étendre leur aura par une expansion des couvertures d'assurance. Ils visent à combler l'écart de protection (Protection Gap en anglais), c'est-à-dire la différence entre les couvertures telles qu'elles existent actuellement et les couvertures d'assurance maximales, mais cela aura nécessairement un coût pour les assurés.

Mutualiser pour lisser les risques

L'assurance repose sur le principe de la mutualisation. Ce mécanisme consiste à répartir le coût des sinistres entre les membres d'un groupe qui ont contracté une assurance pour se protéger de risques similaires. C'est notamment le cas de la protection sociale, fondée sur un principe de solidarité collective, où les cotisations collectées servent à dédommager ceux qui voient les risques contre lesquels ils sont prémunis se réaliser (maladie, invalidité, etc.).

Plus le groupe est de taille restreinte, moins la mutualisation est efficiente. En effet, la mutualisation repose sur la loi des grands nombres, c'est-à-dire qu'à partir d'un certain nombre d'assurés au sein d'un groupe, on peut prévoir l'occurrence du risque avec une faible marge d'erreur et, donc, calculer précisément le montant de la cotisation ou de la prime. En revanche, si le nombre d'assurés au sein d'un portefeuille n'est pas suffisant pour évaluer avec précision les expositions, les tarifs de la couverture peuvent flamber, l'assureur cherchant à limiter sa prise de risques.


L'assurabilité et les risques systémiques

Les risques systémiques posent un véritable défi aux assureurs. Le risque systémique est un aléa ayant lieu à large échelle qui entraîne une dégradation brutale du système financier dans son ensemble. Les pandémies, les incidents cybers de grande ampleur et les catastrophes naturelles à large échelle sont susceptibles de générer des risques systémiques. Par exemple, l'Union européenne et les gouvernements des Etats membres ont dû prendre des mesures budgétaires sans précédent pour atténuer l'impact financier de la pandémie de Covid-19 sur l'ensemble des économies du continent dans le but d'éviter une crise systémique.

Face aux risques systémiques, la voix des assureurs s'élève pour affirmer que l'assurabilité a ses limites car la loi des grands nombres ne peut pas s'exercer puisque ces risques peuvent mettre à plat l'ensemble du système. C'est pourquoi plusieurs représentations des professionnels de l'assurance militent pour un partage des risques systémiques entre les États et les organismes d'assurance privés.

Un partage des risques déjà effectif en France avec le régime « Cat Nat ». Ce dernier permet aux particuliers, aux entreprises et aux collectivités assurés auprès d'un organisme privé en dommages aux biens d'être indemnisés conjointement par l'État et leur organisme d'assurance suite à des événements climatiques reconnus comme des catastrophes naturelles par un arrêté.


Mériter l'assurance

Autre cas de figure : les entreprises ne peuvent trouver un assureur pour les garantir contre les risques cybers que si elles remplissent les pré-requis techniques qu'il exige. Sinon, l'assureur refuse de porter leurs risques. Autrement dit, une assurance cyber se mérite…

Les assureurs arguent que ces exigences techniques permettent de faire monter en gamme la protection de l'ensemble des structures du pays dans l'optique de renforcer la résilience du tissu économique face à une éventuelle cyberattaque d'envergure nationale ou mondiale. Mais c'est une manière pour ces professionnels de sélectionner les risques et de rendre éligible à ce bouclier de protection qu'est l'assurance les entreprises les moins exposées et, donc, celles qui en ont le moins besoin. Les assureurs font-ils toujours leur métier quand ils opèrent un tel tri ? On peut se le demander.

On le voit, les assureurs sont prêts à jouer leur rôle après avoir savamment évalués leurs expositions aux risques. Finalement, l'assurance n'est ni plus, ni moins qu'une affaire de statistiques…