Emprunteur : attention au trou de garantie entre deux contrats !

Depuis l’entrée en vigueur de la loi Lemoine en septembre 2022, les assurés qui ont souscrit un contrat d’assurance emprunteur adossé à leur crédit immobilier ont la possibilité de changer d’assurance à tout moment. Mais la perspective d’économies substantielles ne doit pas aveugler le consommateur. C’est ce que souligne la Médiation de l’Assurance en alertant sur le danger de non-couverture qui peut survenir dans la phase de substitution des contrats.

Emprunteur attention au trou de garantie entre deux contrats

C'était l'objectif principal de la loi Lemoine lorsqu'elle est venue changer la donne de l'assurance des prêts immobiliers il y a maintenant trois ans : fluidifier un marché de l'emprunteur capté par les établissements prêteurs et permettre de faire baisse le coût de l'assurance des crédits par le jeu de la concurrence. L'appel d'air créé par l'instauration de la résiliation infra-annuelle a d'ailleurs favorisé l'arrivée de nombreux assureurs et courtiers dits « alternatifs » porteurs d'offres souvent alléchantes. A la clé, la possibilité selon les cas de d'économiser plusieurs milliers d'euros. Attention toutefois à ne pas foncer tête baissée.

Ne pas tomber dans le trou de garantie !

« Lors d'une substitution d'assurance et donc d'un changement au profit d'un nouvel assureur, l'assuré peut être exposé à un trou de garantie », rappelle une étude de cas proposée par la Médiation de l'Assurance. Le contexte est le suivant : un assuré adhère à un contrat d'assurance garantissant le remboursement des échéances de son emprunt immobilier en cas d'arrêt de travail. Quelques temps plus tard, et comme la loi le lui permet, il décide de changer d'assurance emprunteur en se tournant vers un autre assureur. La demande de substitution est acceptée par l'établissement bancaire en janvier 2021, tandis que la nouvelle couverture d'assurance souscrite auprès du second assureur doit prendre effet en juillet 2021. Mais entre-temps, l'assuré est placé en arrêt de travail. Vers quel assureur se tourner pour bénéficier de la prestation ? Pour le nouvel assureur, la cause est entendue : l'assuré ne peut bénéficier d'aucune prise en charge puisque l'arrêt de travail est survenu avant la date de prise d'effet du contrat. « Le contrat d'assurance est un contrat aléatoire : il n'a pas vocation à couvrir des événements s'étant déjà réalisés. L'arrêt de travail de l'assuré ayant eu lieu avant la substitution du contrat d'assurance, le nouvel assureur n'avait pas à le prendre en charge », confirme d'ailleurs la Médiation de l'Assurance. Pour, l'assureur initial c'est le jeu des franchises qui l'empêche d'indemniser l'assuré. Car l'indemnisation « ne s'applique pas si le droit à prestation n'a pas pu naître en raison, par exemple, de l'application d'une franchise contractuelle érigée en condition de garantie. Après application de la franchise, la prise en charge aurait dû être possible par le premier assureur, mais seulement à compter du mois d'août 2021. Or, à cette date, l'assuré avait déjà substitué son contrat d'assurance, de sorte que le premier contrat était résilié avant que le droit à prestations ne naisse », indique la Médiation de l'Assurance.


Une prise en charge exceptionnelle « souhaitable »

Au bout du compte, l'assuré se retrouve le bec dans l'eau. Deux contrats, mais aucun assureur. « Le premier n'était pas tenu au versement de prestations, car le droit à prestations n'était pas né avant la résiliation du contrat substitué. De son côté, le second n'était pas tenu à une prise en charge de l'arrêt de travail puisqu'il était survenu avant la prise d'effet du contrat », résume la Médiation de l'Assurance. Devant les conséquences malheureuses d'une telle situation, le Médiateur de l'Assurance, Arnaud Chneiweiss, a pris position en estimant souhaitable que les assureurs en cause s'accordent sur une prise en charge exceptionnelle, le changement de contrat ne devant pas avoir pour effet de priver l'assuré de son droit à prestations. Au printemps dernier, la question des « trous de garantie » en assurance emprunteur a ainsi été soumise à débat au sein du Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) dans le but qu'un changement d'assurance emprunteur avec équivalence de garanties ne puisse plus conduire à une absence de couverture en cas d'arrêt de travail intervenant au moment de cette transition. En attendant qu'une solution de place se dégage, il est vivement conseillé à l'assuré souhaitant changer l'assurance de son prêt immobilier de demander conseil à son nouvel assureur pour identifier les éventuels trous de garanties qui pourraient naître du fait des franchises de l'ancien contrat et des délais de carence du nouveau.

Passer les délais de carence à la loupe

On ne le redira jamais assez : l'économie financière ne doit pas se faire au prix de la vigilance. A ce titre, le délai de carence appliqué par le nouveau contrat devra donc faire l'objet d'une attention toute particulière. Précisé aux conditions générales du contrat, s'agit du laps de temps pendant laquelle la garantie de l'assureur ne joue pas. Avec un délai de carence de six mois, la garantie d'un contrat souscrit au 1er janvier ne s'activera pas avant le 1er juin. A noter qu'il s'agit d'une clause qui se retrouve principalement pour la garantie perte d'emploi, mais qui peut être parfois présente pour les garanties ITT et invalidité.


Des délais légaux pas toujours respectés

Changer d'assurance de prêt immobilier à tout moment s'accompagne d'une procédure de substitution d'assurance stricte. Les termes de la loi obligent d'abord à présenter une offre équivalente ou supérieure en termes de garanties puis de soumettre cette demande à son établissement prêteur initial. Les textes stipulent que ce dernier dispose ensuite d'un délai légal de dix jours pour répondre au client qui souhaite changer d'assureur.

Un délai légal qui n'est pas toujours respecté. En octobre dernier, la DGCRRF a rappelé à l'ordre plusieurs établissements bancaires : le CIC Est, le Crédit Agricole Mutuel de Paris et d'Île-de-France, la Bred Banque Populaire et la Caisse d'Épargne et de Prévoyance d'Île-de-France ont écopé de sanctions financières allant de 80 000 à plus de 300 000 euros pour avoir pris trop de retard dans l'émission de l'avenant bancaire constatant la substitution d'assurance. Selon l'APCADE, une association qui regroupe un certain nombre d'assureurs « alternatifs » actifs sur l'emprunteur, il ne s'agit pas de cas isolés. L'association avait déjà tiré la sonnette d'alarme dans son observatoire de l'assurance emprunteur. Publié en 2024, il constatait que le délai d'attente pour changer d'assurance ou obtenir un accord de délégation d'assurance dépassait largement le délai légal de 10 jours pour près de la moitié des demandes de substitution, avec une moyenne établie à 40 jours.

À propos de l'auteur
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*Francesco 37 ans ingénieur d’études et Emilie 36 ans comptable, non-fumeurs, ils ont emprunté pour l’achat d’une résidence principale 398 622 € sur 273 mois en janvier 2025, assurés à 100% sur 2 têtes. Francesco et Emilie ont pu faire une économie sur leur projet de 38 080€ soit 19 040 € par tête et 70% d’économie par rapport à un contrat pris avec sa banque.