Pendant de nombreuses années, les fonds en euros n'ont cessé de voir leurs rendements diminuer sous l'effet de la baisse des taux d'intérêt pour atteindre sur les années 2020 et 2021 une moyenne de 1,3 %*. Face à ces maigres performances, les épargnants ont progressivement diminué leurs placements sur les supports en euros, ces derniers ayant enregistré une décollecte de 17,1 milliards d'euros sur les 9 premiers mois de l'année 2022, tandis que le Livret A, devenu compétitif avec ses 2 % de rémunération nette, enregistrait une collecte nette de plus de 25 milliards d'euros sur la période.
Le fonds en euros est dans une mauvaise passe. Mais la nouvelle configuration des marchés de taux, notamment pour les titres obligataires, consécutive à la forte reprise de l'inflation, pourrait changer la donne.
Les assureurs devraient faire appel « aux réserves »…
Avec des taux de rendements à 1,3 % et une inflation à 7%, la performance négative des fonds en euros sur 2022, de l'ordre de 5 à 6 %, a de forte chance de pousser encore plus les assurés vers la sortie. Or, même s'ils ont été encouragés dans cette voix pendant plusieurs années par les assureurs, ces derniers ne peuvent, pour de multiples raisons de gestion liées au respect des équilibres actif-passif, prendre le risque de voir fondre trop vite leurs encours. Pour renverser la tendance sur les rendements et freiner les retraits, les assureurs disposent d'un atout dans leur manche, dont celui de la provision pour participation aux excédents (PPE).
Le fonds en euros d'une société d'assurance est une mécanique complexe. Pour faire face à ses engagements, c'est-à-dire garantir à l'assuré son capital et ses gains d'une année sur l'autre, l'assureur est tenu à une démarche prudentielle très stricte qui fait appel à plusieurs mécanismes de réserves.
La PPE est un élément essentiel de cette gestion sécurisée. Cette provision, dotée par l'assureur sur les bénéfices réalisés, appartient aux assurés et doit leur être reversée dans un délai maximum de 8 ans. Elle permet donc, « dans les mauvaises années » de venir soutenir les performances des fonds en euros. On rappellera que la PPE est une réserve collective qui n'est pas forcément redistribuée contrat par contrat. Cela signifie qu'un assuré pris isolément, ne peut pas réclamer sa part de bénéfices non distribués logée dans la PPE.
…chacun selon ses possibilités.
Sur le marché, le montant des PPE avoisinait les 70 milliards en 2021 d'euros sur les 1 300 milliards que représentaient les encours de fonds en euros, soit une réserve globale de rendement de 5 % environ. Attention, il s'agit d'un montant global. Tous les assureurs ne sont pas logés à la même enseigne en termes de stocks de PPE.
Certains ont plus de marge de manœuvre que d'autres pour puiser dans leurs provisions afin de lisser les performances de leurs fonds en euros dans le temps, et en l'occurrence, augmenter les rendements sur les prochaines années. Bon nombre d'observateurs pensent que les organismes assureurs qui le pourront vont, dès cette année, se servir de leurs réserves pour améliorer les rendements de leurs fonds en euros en les faisant tendre vers des niveaux de 2 %. Cela permettrait de les rendre plus compétitifs face à un livret A, dont le taux d'intérêt pourrait aussi augmenter en 2023. Une bonne nouvelle pour les assurés qui souhaitent conserver leurs fonds en euros dans les contrats d'assurance vie.
La hausse des taux est une bonne nouvelle…
Le fonds en euros ne saurait se comparer à un fonds obligataire. Néanmoins, les actifs placés en représentation des engagements vis-à-vis des assurés sont majoritairement investis (de l'ordre de 80 %) en obligations publiques (emprunts d'Etat) et privées (dettes d'entreprise), ce qui lui assure un rendement récurrent. Le reste peut être diversifié sur les marchés actions et immobiliers pour l'essentiel.
La performance des fonds en euros va, par conséquent, être étroitement calée sur les rendements obligataires. De façon schématique, la gestion traditionnelle des assureurs est de porter les titres obligataires jusqu'à leur échéance et de se servir des coupons distribués régulièrement, tout au long de la période d'investissement, pour « fabriquer » le rendement de leurs fonds en euros. Une fois les obligations remboursées, le capital est réinvesti sur d'autres obligations au nouveau taux du marché.
Ainsi, pendant de nombreuses années, les assureurs ont détenu en portefeuille des obligations qui pouvaient rapporter 4, 5 ou 6 %. Au fur et à mesure que ces obligations arrivaient à leur terme, elles étaient remplacées par des obligations qui rapportaient moins que les précédentes, parfois atteignant des niveaux de taux de 0 % sur une période récente (entre 2019 et 2021, les taux des obligations d'État à 10 ans étaient même négatifs). Mécaniquement, cette situation a amené une dilution des rendements des actifs des assureurs et une baisse généralisée des rendements des fonds en euros.
…mais pour le long terme.
Depuis cette année, la configuration a changé. Sous la pression de l'inflation, les taux à long terme (10 ans) des emprunts d'État ont fortement grimpé, de 0,20 % en janvier à 2,40 % en novembre. Cette hausse des taux va être favorable aux fonds en euros puisque l'assureur va, cette fois, pouvoir réinvestir les obligations de son portefeuille qui arrivent à échéance sur des rendements plus élevés.
Faut-il pour autant se ruer sur les fonds en euros à court terme ? Rien n'est moins sûr. Le fonds en euros d'une compagnie d'assurance se meut à la vitesse d'un porte avion et l'assuré ne doit pas s'attendre à des évolutions rapides sur ses performances. Si la baisse des taux d'intérêt a dilué lentement les performances des portefeuilles des compagnies, la hausse des taux prendra le même chemin. Il faudra donc s'armer de patience pour que les assureurs reconstituent un stock d'obligations servant des taux plus rémunérateurs.
Pour l'heure, il n'y a guère de changements à attendre. Les taux des fonds en euros remonteront peut-être aux environ de 2 % pour l'année 2022, mais compte tenu de l'inflation, l'érosion de l'épargne sera forte, de l'ordre de 4%, voire plus. Pour un placement à long terme, dans le but de préparer sa retraite, le fonds en euros n'est pas encore à l'ordre du jour, contrairement aux unités de compte ou au fonds croissance, ce dernier présentant l'intérêt de garantir un capital au terme de 8 ans minimum, et de permettre à l'assureur de dynamiser les placements des épargnants.
* Nets de frais de gestion et avant prélèvements sociaux de 17,2 %