L’appréciation de l’expertise en fonction de sa nature amiable ou juridique

Lors de la survenance d'un sinistre, il est tout à fait normal de faire appel à un expert afin d'évaluer la nature et l'importance des dommages subis par l'assuré. Pour ce faire, il est possible de faire une détermination de gré à gré entre l'assureur et l'assuré ou bien par l'intervention d'un expert d'assurance.

expertise juridique ou amiable

L'expertise vise à nommer un professionnel spécialisé dans un domaine afin d'apprécier la régularité de la procédure et la justesse du diagnostic. Il est ici pour faire « la part des choses » et avoir un avis neutre suite à un différend opposant plusieurs parties. On distingue plusieurs types d'expertises qui peuvent être amiable, contradictoire et judiciaire.

L'expertise amiable et le principe du contradictoire

Dans bon nombre de sinistre ou de litige, il est normal de mettre en place des opérations d'expertise amiable. Les polices d'assurances prévoient, la plupart du temps, qu'une expertise amiable soit faite avant toute procédure judiciaire. Autrement dit, cette procédure extrajudiciaire se fait généralement à la demande conjointe des parties concernées en vertu d'une convention ou bien par expert désigné d'un commun accord.


Pour rendre l'expertise « amiable » la plus efficace possible, il est d'autant plus important que le principe du contradictoire soit respecté. Ainsi, l'expertise peut être effectuée par deux experts nommés par chaque partie. Si aucun accord n'est trouvé, il sera donc possible de faire appel à un 3ème expert. Il sera chargé de réaliser une tierce expertise commune avec l'accord de chacun des parties.

Bien que l'expert nommé à la procédure se doit d'être en mesure de justifier sa compétence, son indépendance et son impartialité ; il est important de signaler que l'expert amiable est tenu de rendre des comptes uniquement à l'égard de la personne qui l'a nommé. Sachant que c'est une procédure extrajudiciaire, il n'est nullement encadré par le Code de procédure civile.

Tout rapport d'expertise amiable peut avoir la valeur de preuve dès lors qu'il est soumis à la libre discussion entre les parties concernées

L'exigence du principe du contradictoire impacte également la valeur de l'expertise amiable. Autrement dit, la confrontation des vérités exprimées par chaque partie permet de donner une certaine valeur au travail d'expertise. Ainsi, le rapport d'expertise pourra être reconnu par le droit à titre de preuve.

La valeur probante de l'expertise judiciaire et officieuse

Tout rapport d'expertise n'a pas la même valeur probante dès lors que l'on soit face à une expertise judiciaire ou officieuse. Quelque que soit la procédure employée, elle doit être conduite contradictoirement et soumise à la discussion contradictoire au cours même de l'expertise.


L'expertise judiciaire est ordonnée par le juge et obéit aux règles du Code la procédure civile (articles 273 à 283). Elle se doit d'être soumise à la libre discussion et être conduite contradictoirement.

Le juge n'est pas tenu par les conclusions de l'expert judiciaire. Il ne sera donc jamais lié par les constatations ou conclusions d'un expert nommé judiciairement. Toutefois, la Cour de cassation avait estimé que le juge pouvait s'appuyer sur une expertise judiciaire dont le caractère contradictoire est contesté mais qui constitue l'unique élément sur lequel il peut s'appuyer.

Concrètement, un rapport d'expertise qui a pu faire l'objet d'une libre discussion entre les parties et a respecté le principe du contradictoire peut être reconnu comme preuve par les juges. Pour la Haute juridiction, une expertise officieuse ne pourra être écartée de la procédure : « si le juge ne peut refuser d'examiner une pièce régulièrement versée aux débats et soumise à la discussion contradictoire, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise réalisée à la demande de l'une des parties » (Cass, mixte, 28 septembre 2012, n°11-18710). En d'autres termes, les expertises amiables peuvent être examinées par le juge mais ne peuvent fonder exclusivement la décision du juge.


Mais on constatera, dans un autre arrêt que le fait d'accepter la participation à une expertise officieuse n'est pas sans risque si l'une des parties n'a pas désigné l'expert. Dans un arrêt du 19 novembre 2013, les juges ont estimé qu'une décision juridique peut être fondée sur une expertise amiable de ce type. Dans cette affaire, la Cour a estimé que les parties ont admis la personne désignée en qualité d'expert pour arbitrer le litige. Le fait de participer aux opérations d'expertise tout en acceptant la discussion peut permettre au juge de fonder sa décision sur le rapport issu de l'expertise amiable. Une décision de la cour qui invite à la prudence étant donné qu'elle s'est voulue défavorable aux droits de la défense.

Naturellement, le respect du contradictoire n'a d'intérêt que si cela est garanti par un expert indépendant et impartial. Seul le juge sera en mesure d'assurer ce droit de contrôle sur les expertises, y compris les expertises d'assurance, et en déterminer leur portée.