
Montée de l'absentéisme, démotivation et repli sur soi, baisse de la productivité, augmentation des erreurs, autant de facteurs qui peuvent peser sur le fonctionnement d'une entreprise lorsque la santé mentale des salariés se dégrade. Et les crises économiques et politiques que traverse la France ces dernières années semblent avoir des répercussions négatives sur la santé mentale des salariés. Selon le baromètre de l'absentéisme de Malakoff Humanis publié en 2024(1), les troubles psychologiques chez les salariés – autrement appelés risques psychosociaux - représentaient un quart des arrêts longs en 2024, derrière les arrêts dus à des accidents et des traumatismes (30 % des arrêts).
14 % des actifs en mauvaise santé mentale
Une autre étude(2) publiée par AG2R La Mondiale en octobre dernier révèle que 14 % des actifs estiment avoir une mauvaise santé mentale. Parmi ceux-ci, 35 % considèrent que le travail a un impact négatif sur leur santé mentale. Si la moitié des salariés déclarent que leur entreprise met en place des actions dans l'objectif de prévenir ou d'accompagner leurs collaborateurs en cas de difficultés, une faible proportion, soit 15 %, en ont déjà bénéficié. Ces actions consistaient essentiellement en l'aménagement du poste de travail (ergonomie/postures), l'aménagement des horaires (ou télétravail) et en des mesures sur les risques physiques ou psychiques.
L'intérêt des entreprises : faire de la prévention
Les dirigeants d'entreprise sont de plus en plus réceptifs à la prévention contre l'absentéisme, d'autant qu'ils pensent que le phénomène va continuer de s'étendre, notamment en raison de l'augmentation des risques psychosociaux. En outre, ils ont identifié une évolution des mentalités vis-à-vis de la perception du travail susceptible d'entraîner les salariés vers un désengagement. Face à ce constat, faire de la prévention contre les troubles musculo-squelettiques et les risques psychosociaux, c'est-à-dire les deux premières causes d'arrêt de travail, devient une priorité. Dans une entreprise, le préambule à toute action de prévention est une analyse des causes de son absentéisme. La loi interdisant aux organismes complémentaires d'assurance maladie de recueillir des informations sur la consommation médicale de leurs assurés et d'en tirer parti en vue de piloter le risque, des tiers de confiance interviennent entre les assurés et l'organisme d'assurance santé pour recueillir les données, les agréger et les anonymiser.
Réduire l'absentéisme
Certains assureurs couvrant les risques santé et prévoyance en entreprise proposent un accompagnement complet allant du diagnostic à la mise en place d'un plan d'actions et à son suivi dans la durée. A titre d'exemple, un groupe de protection sociale a développé une méthode d'analyse pour lutter contre l'absentéisme. Afin de bien cerner les facteurs de risques d'une entreprise, cet organisme propose une évaluation de son absentéisme et un suivi de cette évolution à travers un tableau de bord constamment actualisé. Il est complété par un calculateur de coûts et une étude auprès des salariés. En fonction de l'analyse des données de santé sur la population de l'entreprise, des consultants spécialisés dressent un plan des actions à mener auprès des salariés. Cela peut passer par du dépistage des maladies cardio-vasculaires, un accompagnement des aidants ayant en charge un proche dépendant et plus fréquemment absents que les autres salariés, un programme de retour au travail après un arrêt long, etc. Les indicateurs du tableau de bord sont ensuite revus au fur et à mesure du déploiement du plan d'actions. Résultat : chez les salariés ayant suivi le programme de retour au travail, les arrêts de travail ont diminué en moyenne de 41 jours et une baisse du taux d'absentéisme de 8 % a été constatée en moyenne au sein des entreprises ayant adhéré au dispositif, soit une démarche bénéfique à la fois pour les salariés et les employeurs.
La branche professionnelle, autre organe actif en prévention
Par ailleurs, grâce à des accords de branche, les entreprises ont la possibilité de bénéficier de prestations spécifiques financées par la branche pour un public ciblé. Cette politique de prévention est déployée en fonction des caractéristiques professionnelles de la population de la branche. Par exemple, la branche professionnelle de l'aide, de l'accompagnement, des soins et des services à domicile (BAD) regroupe l'ensemble des acteurs et des structures qui interviennent auprès des personnes en situation de perte d'autonomie ou nécessitant un soutien spécifique pour leur maintien à domicile. Dans cette branche particulièrement exposée aux RPS, un avenant à la convention collective nationale prévoit des dispositions spécifiques en vue de prévenir ces troubles. Un diagnostic des facteurs de RPS doit être établi et évalué annuellement dans chaque structure. Il est intégré au Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP).
Etablir un diagnostic
Dans ce programme de prévention de la branche BAD, l'identification des facteurs prend en compte les relations de travail et le management (difficultés de communication, agressions de la part du public/usagers ou entre collègues), la conciliation vie professionnelle et vie privée (horaires atypiques, mobilité imposée, transport domicile-travail) et les changements dans l'entreprise (restructurations, incertitude sur l'avenir). A l'échelon de l'entreprise, un comité peut être créé afin de contribuer à l'élaboration du diagnostic partagé des facteurs de stress dans la structure et des intervenants extérieurs peuvent participer à la démarche. Des indicateurs (taux d'absentéisme, évolution des accidents du travail et des maladies professionnelles, nombre d'inaptitudes, turnover du personnel, etc.) sont ensuite analysés afin d'évaluer les effets des actions menées.
Modules pour la santé mentale
Les complémentaires santé et assurances prévoyance des entreprises peuvent intégrer des garanties et des services spécifiquement conçus pour répondre aux besoins de santé mentale des salariés. De nombreuses complémentaires offrent un accès à des plateformes de téléconsultation. Cela permet aux salariés de consulter un professionnel de la santé mentale rapidement, en toute confidentialité et sans se déplacer. Des plateformes sont également spécialisées dans le soutien psychologique et proposent des lignes d'écoute. De plus, des organismes d'assurance proposent aux salariés des ateliers sur la gestion du stress, le sommeil, l'équilibre vie professionnelle et vie personnelle, ou la sensibilisation au burn-out. Ces initiatives ont des répercussions positives sur l'environnement de travail et réduisent les risques de troubles psychologiques. Des formations afin d'aider les managers à détecter les signes de détresse psychologique au sein de leurs équipes et à mieux les accompagner sont également proposées par des organismes assureurs.
Convaincre les personnes à risques
Toutefois, si l'entreprise est un lieu favorable parce qu'elle permet de toucher des personnes qui sont potentiellement exposées aux mêmes facteurs de risques, l'une des difficultés est de parvenir à convaincre les personnes à risques de suivre jusqu'au bout un programme pouvant les aider à améliorer leur bien-être et leur santé.
(1) Edition 2024 du baromètre de l'absentéisme de Malakoff-Humanis - étude de perception menée par l'IFOP du 2 au 24 janvier 2024 auprès de 2 488 salariés et de 400 dirigeants d'entreprise ou DRH du secteur privé
(2) Baromètre réalisé par Occurrence (groupe IFOP) entre le 2 et le 12 juin 2025 auprès d'un échantillon de 2 704 Français actifs. L'échantillon a été redressé pour refléter la représentativité de la population active.