
Une mesure qui remet en cause un instrument central de l'épargne française
Depuis plusieurs décennies, l'assurance vie en fonds euros constitue l'un des piliers de la stratégie patrimoniale des Français. Avec un rendement moyen de 2,6 %, ce support remplit une fonction de sécurisation de l'épargne dans un contexte marqué par des fluctuations économiques récurrentes. La nouvelle taxe envisagée viendrait toutefois neutraliser presque entièrement sa rentabilité, entraînant un rendement inférieur à l'inflation.
Une telle réforme conduirait mécaniquement à un désengagement massif des ménages, en dépit de l'importance de ce produit dans le paysage financier. En effet, l'assurance vie représente plus de 2 000 milliards d'euros d'encours, dont près des trois quarts sont logés en fonds euros.
La perspective d'une rémunération quasi nulle engendrerait un rééquilibrage brutal et peu maîtrisé de l'épargne nationale, au détriment d'un produit historiquement plébiscité pour sa stabilité et son accessibilité.
Une éventuelle perte d'attrait pour les fonds en euros pourrait néanmoins profiter au PER (plan d'épargne retraite), qui reste un excellent outil dans le cadre d'une préparation financière à long terme. En offrant un cadre dédié à la constitution d'un capital ou de revenus futurs, il permet d'anticiper la baisse des ressources au moment de la retraite.
Sa flexibilité, combinée à des avantages fiscaux encadrés, en fait un instrument adapté aux profils variés désireux de sécuriser progressivement leur niveau de vie au moment de la cessation d'activité.
Un rôle macroéconomique indispensable pour le financement public et privé
Au-delà de sa fonction de placement sécurisé, l'assurance vie en fonds euros contribue de manière déterminante au financement de l'économie. Une part essentielle de ces encours irrigue les entreprises françaises et participe au financement de la dette souveraine. Assimiler ces investissements à une «fortune improductive» occulte leur contribution directe à la vitalité économique.
La taxation envisagée comporte ainsi un risque systémique : en détournant les épargnants des fonds euros, elle priverait l'État d'une source de financement stable à un coût historiquement favorable.
Une baisse de la demande pour les obligations publiques impliquerait un recours accru aux marchés à des conditions moins avantageuses, renforçant mécaniquement le déficit public. Les entreprises seraient également touchées, avec un accès réduit à des financements solides et compétitifs.
Une réorientation de l'épargne susceptible de fragiliser le tissu productif national
Une autre répercussion collatérale réside dans la probable migration de l'épargne vers des supports en unités de compte, qui échappent à la nouvelle imposition, quel que soit leur montant. Ces placements, plus volatils, reposent en partie sur des actifs internationaux. Une telle dynamique aiguillerait une fraction significative de l'épargne française vers des marchés étrangers.
Si encourager une diversification prudente peut être une bonne chose à long terme, la mesure fiscale actuelle a un effet inverse aux intentions affichées. Les bénéfices attendus de cette nouvelle taxe demeureraient limités, alors que les surcoûts induits pour la dette pourraient s'élever à plusieurs milliards par an. Au final, cette réforme ne fait que déplacer l'épargne sans véritablement renforcer le dynamisme productif national.